Vivre sous l'occupation

La présence allemande

Après la signature de l’armistice, le 22 juin 1940, l’administration militaire allemande prend le contrôle de la partie nord de la France. Paris n’est plus la capitale de la France mais la capitale allemande de la France occupée.

Dès le 14 juin 1940, des troupes allemandes stationnent dans les communes de l’agglomération parisienne. Les autorités municipales qui sont restées sur place sont sollicitées pour fournir aux troupes d'occupation des logements et du ravitaillement. En quelques semaines, une administration allemande est mise en place et donne ses directives à l'administration française, en conformité avec les conventions d'armistice. Régulièrement les Kommandantur transmettent des ordres ou sont sollicitées par des municipalités inquiètes de la réaction de l’occupant.

Des troupes, plus ou moins nombreuses, s’installent dans les communes urbaines, surveillent les principaux carrefours ferroviaires et routiers, les gares de triages, l’aérodrome d’Orly, les dépôts de matériels, etc. Des panneaux d'information et de direction en allemand apparaissent le long des routes. Des sentinelles en faction dans leur guérite signalent dans certaines communes la présence d’un bâtiment investi par l’armée allemande.

Les réactions d’hostilité envers les Allemands sont rares car les sanctions éventuelles sont connues. En revanche, l’indifférence et le mépris l’emportent sur la curiosité quand des patrouilles ou des militaires isolés, à pied ou dans des véhicules, parcourent les rues. L’image du soldat allemand au comportement correct que montrent les affiches de propagande n’incite pas forcément à entrer en contact avec celui qui demeure un occupant, malgré les efforts des plus francophiles.

Dans les communes rurales, la présence allemande est presque inexistante, sauf à proximité d’une installation sensible. Cependant, comme partout, les exigences de l’occupant s’imposent.

La collaboration

L’Etat français, dirigé par le maréchal Pétain depuis Vichy en zone sud, accepte de maintenir son administration en place en zone nord avec l’illusion qu’il aura la possibilité d’influer sur les décisions futures. En réalité, les fonctionnaires français, et notamment les agents des forces de maintien de l’ordre, sont amenés à appliquer une politique de collaboration de plus en plus contraignante et brutale, officialisée par la rencontre entre Pétain et Hitler le 24 octobre 1940.

Les libertés fondamentales sont remises en cause. L’occupant limite le droit de réunion, d’expression, de circulation. En région parisienne, l’Etat français remplace de nombreuses municipalités élues où la gauche est majoritaire par des délégations spéciales composées d’administrateurs nommés. Les élections mêmes ne sont plus d’actualité. Le régime de Vichy est autoritaire, antidémocratique et antirépublicain et se découvre les mêmes adversaires que l’occupant allemand. Les communistes, les socialistes, les gaullistes, les syndicalistes sont ciblés par la répression, menée principalement par les forces de l’ordre françaises jusqu’en 1942. Les juifs de la région parisienne doivent se faire recenser et sont progressivement marginalisés par une série de mesures promulguées par l’occupant allemand comme par l’Etat français.

A mesure que l’occupation se prolonge, les contrôles sont de plus en plus fréquents. La liberté de circulation est considérablement réduite. Les polices allemandes et françaises accentuent leur collaboration avec les accords passés à l’été 1942 entre Karl Oberg, chef supérieur des SS et de la police allemande en France occupée, et René Bousquet, secrétaire général à la police du gouvernement de Vichy. La traque vise plus particulièrement les résistants pourchassés et les juifs persécutés, mais elle suscite dans l’opinion inquiétude et malaise, contribuant à la multiplication des gestes et des actes de solidarité, malgré les risques encourus par leurs auteurs.

Les problèmes de la vie quotidienne

Dès septembre 1940, le rationnement est instauré sur les principales denrées alimentaires, du fait de la désorganisation de la production française et des réquisitions allemandes. Les conditions d’armistice ont imposé à la France la perte de ses principales régions industrielles (le Nord et le Pas-de-Calais rattachés à la Belgique occupée et l’Alsace-Lorraine annexée à l’Allemagne) et le paiement des frais d’entretien des troupes d’occupation. La production agricole a été très perturbée par les conséquences de la guerre et de l’exode, notamment à la période des récoltes. En outre, les exportations françaises vers l’Allemagne sont pour l’essentiel financées par les impôts des Français, du fait de la mise en place d’un système de compensation très avantageux pour les Allemands et d’un taux de change très favorable au Reichsmark par rapport au franc.

Le ravitaillement manque rapidement en région parisienne. Les habitants de la région parisienne comme l’ensemble des Français apprennent à gérer la pénurie. Les produits alimentaires de base ne peuvent être obtenus qu’en échange de coupons et sur présentation d’une carte qui précise la catégorie à laquelle appartient son titulaire. Ainsi, les E sont les enfants de moins de 3 ans, les J3 les jeunes de 14 à 21 ans, les T les travailleurs de force. A chacun son régime alimentaire, ses privilèges et ses frustrations.

Les citadins les plus modestes sont les plus démunis face à la pénurie alimentaire. Les propriétaires ou les locataires d’un terrain, même modeste, s’empressent de le mettre en culture. Les jardins ouvriers à Champigny, à Créteil, à Orly permettent à de nombreuses familles d’améliorer l’ordinaire au prix d’un supplément de travail après les journées de labeur. Tous les espaces laissés en friche sont exploités par des citadins peu expérimentés. La campagne encore proche est une aubaine. Les citadins viennent de plus en plus nombreux pour trouver les produits qui ont disparu des étalages en ville. L’augmentation de la demande et les limites de l’offre favorisent la flambée des prix. Ce marché noir, illégal mais en fait toléré, profite surtout aux plus gros agriculteurs, tandis que les plus petits sont à la peine entre les réquisitions qu’on leur impose, leurs besoins personnels et les sollicitations de la famille, des amis ou d’inconnus.

Tous les produits finissent par manquer et par être rationnés. Ainsi, l’hiver 1940-1941, particulièrement froid, est difficile à supporter du fait du manque chronique de charbon. Faire la queue pendant des heures devant les magasins à l’annonce d’une livraison ne garantit pas de pouvoir se procurer ce que l’on cherche : les quantités sont réduites et la qualité de ce qui est disponible est toujours incertaine d’autant que les produits de substitution ou « ersatz » se multiplient. Le système « D » comme « débrouille » devient la règle, un mode de vie par nécessité, presque une habitude, désagréable mais obligatoire pour améliorer un peu l’ordinaire.

L’encadrement des jeunes en zone non-occupée

En septembre 1940, pour encadrer tous les jeunes hors de l’école, l’Etat français crée le secrétariat général à la Jeunesse (SGJ). Celui-ci dispose de moyens d’action importants qu’il met à disposition d’organisations officielles ou soigneusement contrôlées.

Les Compagnons de France forment le premier mouvement de jeunesse officiel. Soutenu immé­diatement par le gouvernement, la première structure du mouvement s’installe à Randan, près de Vichy, en août 1940. Les Compagnons sont destinés à accueillir des jeunes volontaires de 15 à 20 ans avec l’objectif de les soustraire au chômage, à la « licence » et à la « dissidence ». Ils sont considérés par Pétain comme « l’avant-garde de la Révolution nationale ». Le mouve­ment s’ouvre aux filles, sans succès, en 1942.

La réduction de l’armée française à une simple force de maintien de l’ordre de 100 000 hommes et l’interdiction du service militaire suite à l’armistice de 1940 incitent l’Etat français à trouver une parade pour maintenir la formation militaire de la jeunesse. Une loi du 30 juillet 1940 instau­re un service obligatoire mi-civil, mi-militaire, sous l’intitulé de « Chan­tiers de la jeunesse ». En janvier 1941, les Chantiers deviennent une institution per­manente. Tous les Français âgés de 20 ans doivent accomplir 8 mois de service national.

L’Armée sert de modèle aux Chantiers. L’encadrement est exclusivement militaire, les activités privilégient les exercices physiques (presque uniquement des travaux forestiers, pour un salaire journalier dérisoire) et la discipline est rigoureuse (culte du Maréchal et du drapeau ; pas de journaux, pas de radio, pas de cinéma ; camps installés loin des villes, jugées dangereuses pour la morale des jeunes). Les filles ne sont pas concernées et les Chantiers sont interdits aux juifs à partir de juillet 1942.

L’occupation de tout le territoire en novembre 1942 et l’instauration du Service du travail obli­gatoire (STO) en février 1943 signent l’échec et la fin des Compagnons de France et des Chantiers de Jeunesse, finalement dissous en jan­vier 1944.


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Les témoins
Bibliographie
  • Eric Alary, Bénédicte Vergez-Chaignon, Gilles Gauvin, Les Français au quotidien 1940-1949, Perrin, 2006.
  • Philippe Burrin, La France à l’heure allemande 1940-1944, coll. Points, Le Seuil, 1995.
  • Thomas Fontaine, Denis Peschanski , La Collaboration 1940-1945. Vichy, Paris, Berlin, Paris, Tallandier, 2014, 320 p.
  • Pierre Giolitto, Histoire de la Jeunesse sous Vichy, Perrin, 1991.
  • Laurent Joly, Dénoncer les juifs sous l'Occupation. Paris, 1940-1944, Paris, CNRS Editions, coll. Seconde Guerre mondiale, 2017, 232 p.
  • Ahlrich Meyer, L’Occupation allemande en France 1940-1944, coll. Bibliothèque historique, Privat, 2001.
  • Dominique Veillon, Vivre et survivre 1939-1947, Payot, 1995.
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