Résister

La résistance ne peut être réduite à la simple désobéissance. Résister suppose d’entrer en action, de ne pas se contenter d’une posture. Un résistant est un rebelle qui accepte l’idée de l’illégalité car la loi présente lui semble injuste et veut agir pour faire changer les choses en luttant contre un adversaire désigné. Résister est un acte d’opposition, avec ou sans armes, initialement individuel mais qui prend pleinement son sens dans un engagement volontaire et collectif.

Les conditions de l’engagement

L’entrée dans la résistance est une succession de volontés et de hasards. Les parcours individuels sont tous différents mais quelques lignes de force peuvent être repérées.

Pour nombre de résistants, la lutte a commencé dès l’avant-guerre dans le cadre du combat antifasciste. Les militants ou les sympathisants des partis ou des syndicats de gauche ont soutenu le Front populaire et l’intervention dans la guerre d’Espagne contre les franquistes et leurs alliés nazis et fascistes. Certains ont rejoint les brigades internationales et ont acquis une expérience militaire.

A cette motivation idéologique, la défaite et l’occupation d’une partie du territoire français ajoutent une motivation patriotique. L’appel du général de Gaulle du 18 juin 1940 que peu de Français sont en mesure d’entendre vise à maintenir la France dans la guerre dans la perspective d’une victoire finale. Sans avoir les mêmes possibilités d’analyses ni les mêmes moyens que de Gaulle, bien des Français parviennent aux mêmes conclusions. Certains tentent de rallier la France libre après que l’information de son existence s’est diffusée en France et Outre-mer, la plupart décident d’agir là où ils sont.

Les premiers actes de résistance sont d’abord individuels et spontanés. Lorsque les troupes allemandes arrivent, ce sont des panneaux de signalisation retournés, des câbles coupés, des armes cachées, puis des manifestations d’hostilité envers l’occupant, peu nombreuses dans un contexte d’abattement et de crainte. C’est pour dépasser ce stade de la torpeur et de l’hébétement que des individus isolés produisent avec des moyens de fortune les premiers tracts ou les premiers graffitis appelant à résister. Faire savoir que dans une France défaite, aux mains d’un occupant étranger dominateur et d’un Etat français soumis des consciences sont en éveil et envisagent un futur qui n’est pas celui que la propagande officielle, allemande ou française, diffuse.

La Résistance française est et demeure minoritaire durant toute la guerre. Cependant, l’augmentation constante des effectifs, spectaculaire au moment de la Libération, permet de compenser les pertes infligées par la répression. Si les résistants sont surtout des hommes, les femmes sont nombreuses et pas forcément cantonnées aux tâches secondaires, mais indispensables, d’agents de liaison ou de secrétaires. Certaines ont des responsabilités importantes, et les risques encourus sont importants pour toutes. Les résistants sont souvent des hommes mûrs mais la contribution des jeunes est essentielle. Les mesures les visant particulièrement (notamment le STO) les incitent à entrer en contact ou à rejoindre les organisations de résistance. Les jeunes sont très impliqués dans l’action directe et leur nombre élevé parmi les victimes de la répression témoigne de leur engagement. Les résistants sont surtout français, mais des milliers d’étrangers font le choix de se battre pour la libération du pays qui les a accueillis, souvent sans bienveillance, parce qu’ils se sentent redevables et parce que la France reste pour eux indissociable de l’idée de liberté. Les résistants sont enfin issus principalement des milieux populaires, mais la Résistance recrute dans toutes les classes sociales. C’est d’ailleurs cette présence dans toutes les composantes de la société française qui fonde sa légitimité et contribue à élargir son influence dans l’opinion, malgré la propagande intense de l’occupant allemand et de l’Etat français collaborateur.

Les débuts de la Résistance extérieure

La France libre peut être considérée comme la première organisation née de la volonté de résister. Regroupement autour du général de Gaulle d’hommes et de femmes refusant la défaite et décidés à poursuivre la lutte sur le plan militaire, les Français libres sont quelques milliers en 1940. Les premiers ralliés ont rejoint l’Angleterre au moment de la défaite ou dans les semaines qui ont suivi. De Gaulle obtient de nouvelles troupes avec le ralliement de territoires de l’Empire français, en Afrique notamment.

Reconnue par le gouvernement britannique dès 1940, la France libre participe avec plus ou moins de succès à quelques opérations militaires en 1940 et 1941. La progression de la colonne Leclerc au travers du Sahara et la bataille de Bir Hakeim sous les ordres de Koenig donnent aux Français libres la crédibilité et le prestige qui leur manquaient, tant auprès des gouvernements alliés que de la population française. Parallèlement, la France libre s’efforce d’agir sur le territoire français. Des missions de renseignement et d’action sont envoyées en France occupée dans la volonté de nouer des contacts et de ne pas laisser aux seuls services britanniques la création de réseaux clandestins chargés de collecter des informations, de venir en aide aux prisonniers de guerre évadés ou aux soldats alliés en fuite, d’organiser le sabotage d’installations ou d’équipements indispensables à l’ennemi.

Les débuts de la Résistance intérieure

Si la Résistance intérieure est d’abord le fait d’hommes et de femmes qui refusent individuellement de se soumettre, très rapidement il apparaît que les regroupements des individualités sont la seule condition pour rendre cette insoumission efficace face aux forces de l’occupant allemand et de l’Etat français.

Désorientés par le pacte germano-soviétique, dispersés par la mobilisation et par les mesures prises contre le Parti communiste par les derniers gouvernements de la Troisième République, frappés après la défaite par la répression du gouvernement de Vichy qui en fait une cible privilégiée, les communistes s’efforcent de reconstituer dans l’illégalité et la clandestinité des structures d’organisation et d’action. Sans réelle coordination au niveau national, les militants renouent entre eux des contacts. Localement, des groupes se reforment, où les jeunes prennent une part importante autour d’aînés souvent à peine plus âgés qu’eux. Dès l’automne 1940, le PCF clandestin se reconstitue, d’abord dans la région parisienne. L’Organisation spéciale et les Bataillons de la Jeunesse deviennent le bras armé de cette résistance communiste en devenir.

La résistance non communiste n’est pas en reste. En zone sud, une multitude de groupes se créent et, par nécessité se rapprochent. En 1941, cette convergence donne naissance aux principaux mouvements, constitués autour de journaux clandestins dont ils portent le nom : Combat, Franc-Tireur, Libération-Sud. En zone nord, l’évolution est comparable. Libération-Nord, Défense de la France (DF), Ceux de la Résistance (CDLR), Ceux de la Libération (CDLL), l’Organisation civile et militaire (OCM) grossissent par fusions successives de forces jusque là éclatées.

Le Front national pour la libération et l’indépendance de la France (FN), fondé en mai 1941 à l’initiative des communistes, est le seul mouvement présent dans les deux zones. Il adopte la forme d’un rassemblement de forces diverses, sans cesse recomposées, au-delà des seules organisations de la résistance communiste.

L’unification de la Résistance

Les convergences entre les groupes pour constituer les mouvements ouvrent la voie aux rapprochements entre les mouvements des zones sud et nord ainsi qu’entre la Résistance intérieure et la Résistance extérieure. L’année 1942 est un tournant. Des envoyés des mouvements rencontrent le général de Gaulle tandis que ce dernier envoie un représentant en France, Jean Moulin, qui parvient à rencontrer les principaux dirigeants des mouvements de zone sud et défend l’idée d’un rapprochement.

Le 14 juillet 1942, la France combattante se substitue à la France libre et associe aux forces françaises qui luttent sur les théâtres d’opérations extérieurs celles de la Résistance intérieure. Pressés par Jean Moulin, les mouvements de zone sud se regroupent au sein des Mouvements unis de la Résistance (MUR) en janvier 1943, malgré les réticences de leurs dirigeants qui craignent de perdre le contrôle de leur organisation et de devoir suivre des directives ne leur convenant pas. Ainsi, les journaux clandestins des mouvements conservent leur indépendance et continuent de paraître sous leur propre nom, tout en se réclamant des MUR. Jean Moulin, délégué général de la France combattante, devient le président du comité directeur des MUR.

En mai 1943, Jean Moulin obtient que la Résistance française s’unifie davantage par la constitution du Conseil national de la Résistance, dont il prend la présidence. Le CNR rassemble les représentants des MUR et des principaux mouvements de zone nord (CDLL, CDLR, Libé-Nord, OCM, mais pas Défense de la France, Résistance ou La Voix du Nord) et le Front national, présent dans les deux zones. Symboles de l’ancrage démocratique et républicain de la Résistance française, sont également membres du CNR des représentants des forces politiques (communistes, socialistes, radicaux, démocrates-chrétiens, Alliance démocratique et Fédération républicaine) et syndicales (CGT, réunifiée depuis les accords du Perreux d’avril 1943, et CFTC).

En juin 1943, est constitué à Alger le Comité français de libération nationale, reconnu en août par les Alliés comme le représentant de la France. En septembre, l’installation à Alger de l’Assemblée consultative, où siègent des représentants de la Résistance intérieure, achève de donner une légitimité politique à la France combattante.

L’arrestation de Jean Moulin et de certains des chefs de la Résistance en juin 1943 ne porte pas un coup fatal au processus en cours. Le CNR continue de fonctionner. La constitution parallèle d’un Comité central des mouvements de résistance en juillet 1943 et la création du Mouvement de libération nationale (MLN qui regroupe les MUR et les principaux mouvements non communistes de zone nord jusqu’alors écartés du CNR) ne remet pas en cause la volonté de rassemblement. Des comités spécialisés sont chargés de coordonner l’action des mouvements : le Comité d’action contre la déportation (CAD, en charge de la lutte contre le STO), le Comité médical de la Résistance (CMR, en charge des services de santé), les comités départementaux de libération (CDL, qui visent à réunir les principales composantes de la Résistance au niveau départemental à l’image du CNR au niveau national). En mai 1944, le Comité militaire d’action (COMAC) est chargé de préparer les conditions de l’insurrection libératrice.

En juin 1944, la mise en place du Gouvernement provisoire de la République française à Alger souligne la volonté de la France combattante de ne pas se laisser déposséder du pouvoir à la libération de la France. A cette date, la Résistance française est unie derrière son chef, le général de Gaulle. Les délégués civils et militaires sont devenus les représentants d’un Etat clandestin, servant de relais entre le GPRF à Alger, le CNR et les chefs des mouvements en France.


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Les témoins
Bibliographie
  • Sébastien Albertelli, Julien Blanc, Laurent Douzou, La Lutte clandestine en France. Une histoire de la Résistance 1940-1944, Editions du Seuil, 2019.
  • Lucie Aubrac, La Résistance expliquée à mes petits-enfants, Le Seuil, 2000.
  • Robert Belot (dir.), Les Résistants. L’histoire de ceux qui refusèrent, Larousse, 2003.
  • Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France libre : de l’appel du 18 juin à la Libération, coll. Folio, Gallimard, 1996.
  • Guy Krivopissko, Corinne Jaladieu, Eric Brossard, Julie Baffet, Les Résistants - 1940-1945, récits, témoignages et documents inédits du musée de la Résistance Nationale, Belin, 272 p, 2015.
  • François Marcot(dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, coll. Bouquins Robert Laffont, 2006.
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