La Libération de la France

Le débarquement et l’attente de la Libération

Le 6 juin 1944, les Alliés débarquent en Normandie. Le débarquement tant attendu a enfin lieu. L’effet de surprise n’est que partiel car les Allemands réorganisent rapidement leurs défenses et parviennent à bloquer la progression des troupes américaines, britanniques et canadiennes. La Résistance française multiplie les actions pour retarder la remontée des unités allemandes vers le front normand. Pour tenter de briser toute volonté de résister, la répression allemande prend une forme particulièrement brutale, inspirée des pratiques du front de l’Est. La division SS Das Reich organise la pendaison de 99 hommes à Tulle le 8 juin et massacre 642 hommes, femmes et enfants à Oradour-sur-Glane le 10 juin. Des opérations sont menées contre les maquis du Mont-Mouchet en Auvergne, de Saint-Marcel en Bretagne ou du Vercors en juin et juillet faisant de nombreux morts parmi les maquisards et les villageois des environs. Les résistants arrêtés sont extraits des prisons et des camps d’internements et déportés en masse vers les camps de concentration ou massacrés par la Gestapo ou la Milice.

La bataille de Normandie est une lutte terrible dans laquelle chacun des adversaires sait que la défaite aura des conséquences désastreuses pour la suite de la guerre. Si de Gaulle débarque en Normandie le 14 juin et prononce à Bayeux son premier discours sur un territoire de la France métropolitaine libéré, les Alliés piétinent et peinent à s’emparer de Cherbourg.

Malgré l’incertitude, et parce que l’espoir d’une libération prochaine l’emporte, des manifestations sont organisées le 14 juillet 1944 dans toute l’agglomération parisienne comme dans toute la France, à l’appel du Conseil national de la Résistance et du Comité parisien de libération. Des drapeaux tricolores sont notamment accrochés aux monuments aux morts. Des appels à la mobilisation sont lancés par tracts et affiches dans l’attente de l’insurrection générale. Près de 100 000 personnes défilent à Paris et en banlieue sans que la police intervienne.

Fin juillet, les lignes de l’ennemi sont enfin percées en Normandie. Les troupes américaines et britanniques bousculent les défenses allemandes et progressent vers l’est et le nord. En région parisienne, la population attend avec impatience et inquiétude l’arrivée des libérateurs.

Début août, la Résistance intérieure s’efforce de mettre en place les conditions d’une insurrection libératrice, en conformité avec le programme du CNR qui préconise l’action immédiate. Il s’agit de ne pas laisser aux seuls Alliés le mérite de la libération de Paris malgré les réticences de ceux qui craignent la réaction des Allemands (c’est le cas des représentants du général de Gaulle, Alexandre Parodi et Jacques Chaban-Delmas).

L’insurrection de Paris et de sa banlieue

Le 10 août, avec l’appui du Comité parisien de libération et de son président André Tollet, les cheminots déclenchent la grève générale à Villeneuve-Saint-Georges, à Vitry-sur-Seine et dans d’autres centres ferroviaires de la région parisienne. Il s’agit de perturber la circulation des convois allemands. Le 15 août, à l’initiative du Front national de la police, bientôt suivi par les autres organisations de résistance de la police, la police parisienne entre à son tour dans la grève.

Le 17 août, dans un pavillon de Champigny-sur-Marne, les principaux responsables FTP de la région parisienne, réunis par le colonel André (Albert Ouzoulias), coordonnent leur action dans la perspective de l’insurrection à venir.

Le 18 août marque un tournant. Les postiers et les infirmiers rejoignent la grève et la Résistance s’empare des premières mairies, installant des comités locaux de la Libération. La CGT et la CFTC appellent tous les travailleurs à la grève générale, avec le soutien du Comité parisien de libération et du Conseil national de la Résistance, présidé par Georges Bidault. Dans la soirée, le colonel Rol (Henri Tanguy), commandant régional des FFI, avec l’accord du Comité parisien de libération, décrète la mobilisation générale, communiquée aux Parisiens par voie d’affiche.

Le 19 août, l’ensemble de l’agglomération parisienne entre en insurrection. La préfecture de police tombe entre les mains des policiers résistants, de nouvelles mairies sont occupées. Le préfet de police nommé par de Gaulle s’y installe. Le commandant des FFI d’Ile-de-France installe son poste de commandement place Denfert-Rochereau. L’effet de surprise est efficace, provisoirement, car les insurgés ont peu de munitions et les représentants du général de Gaulle le pressent d’obtenir l’intervention militaire des Alliés.

Le 20 août, l’Hôtel de ville de Paris est pris. Le préfet de la Seine nommé par de Gaulle prend possession des lieux. La trêve négociée par certains résistants avec les Allemands n’est pas suivie et un nouvel appel à l’insurrection est diffusé dans Paris.

Le 21 août, les premières barricades sont érigées dans la capitale. Le lendemain, Rol-Tanguy fait afficher l’ordre de dresser des barricades partout où cela est possible. La population participe massivement en installant toutes sortes d’obstacles pour entraver la circulation des unités allemandes. Les journaux de la Résistance qui, pour la première fois depuis le début de l’occupation, peuvent paraître librement donnent des conseils pour construire les barricades.

Les journées des 22 et 23 août sont marquées par des combats intenses dans plusieurs secteurs de la capitale et en banlieue. Le charbon et le gaz manquent, les coupures d’électricité se multiplient et les problèmes de ravitaillement s’aggravent encore. L’insurrection prend aussi l’aspect sinistre de règlements de comptes sommaires et de violences collectives contre ceux et celles que l’on suspecte, à tort ou à raison, d’avoir fréquenté de trop près l’ennemi.

La libération de Paris et de sa banlieue

De Gaulle sait l’importance politique de la libération de Paris. Il a chargé de cette mission le général Leclerc, dont la 2edivision blindée a débarqué en Normandie le 1er août. Le 20 août, de Gaulle rencontre le général Bradley, commandant des forces américaines dont dépend la 2e DB, et le presse de donner son accord. Le 21 août, anticipant les ordres, Leclerc envoie un détachement de la 2e DB en direction de la capitale. Le 22 août, un envoyé de Rol-Tanguy parvient à entrer en contact avec le général Patton puis avec Leclerc. Finalement, le général Bradley donne l’ordre au général Leclerc de foncer sur Paris, avec la 4edivision américaine. Le temps presse car von Choltitz, commandant militaire allemand du Gross Paris, a pour consigne de provoquer le maximum de destructions dans la capitale française. Il menace d’attaquer les édifices publics et a précédemment couvert la constitution d’un convoi de déportation de 3 000 résistants parti de Pantin le 15 août ou le massacre de 35 résistants à la cascade du bois de Boulogne le 16 août.

Dans l’après-midi du 24 août, les premières unités de la 2e DB sont à l’ouest et au sud de l’agglomération parisienne, mais du fait des combats contre des unités allemandes, Paris n’est toujours pas atteint dans la soirée. Leclerc donne l’ordre à la compagnie La Nueve, composée pour l’essentiel de républicains espagnols sous le commandement du capitaine Dronne, de rallier Paris et d’annoncer l’arrivée imminente de la 2e DB. Aidé par des FFI, la colonne remonte par Fresnes, L’Haÿ-les-Roses, Bagneux, Cachan, Arcueil et Gentilly jusqu’à la porte d’Italie. A 21 heures 20, les véhicules blindés sont devant l’Hôtel de ville de Paris. Dronne est reçu par les états-majors du Comité parisien de libération et du Conseil national de la Résistance. A l’appel de la radio dorénavant contrôlée par la Résistance, les cloches de toutes les églises se mettent à sonner simultanément, annonçant la nouvelle tant attendue.

Le 25 août, la 2e DB entre dans Paris par le sud et par l’ouest, tandis que la 4e division américaine progresse dans la partie est de la capitale. Dans la matinée, von Choltitz signe l’acte de reddition des forces allemandes du Gross Paris, rapidement diffusé dans toute la capitale. En fin d’après-midi, de Gaulle arrive à son tour à Paris. Après avoir rencontré Leclerc et Rol-Tanguy, il gagne l’Hôtel de ville où se trouvent les états-majors du Conseil national de la Résistance et du Comité parisien de libération. Devant une foule à la fois euphorique et émue, il prononce des paroles fortes, qui rendent compte de son interprétation de l’événement : « Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple, avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle ».

Dès le lendemain 26 août, un immense défilé est organisé sur les Champs-Elysées. De Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la République française, les membres du gouvernement, du Conseil national de la Résistance, du Comité parisien de libération, les représentants parisiens du gouvernement provisoire de la République française, les chefs des unités militaires françaises et des FFI descendent de l’Arc de Triomphe à la place de la Concorde au milieu des Parisiens en liesse. La 2e DB est présente mais prête à entrer en action car des mouvements de troupes allemandes ont été signalés et on craint encore l’intervention de tireurs isolés (comme ce sera le cas un peu plus tard au pied de Notre-Dame). Dans la soirée, la Luftwaffebombarde l’agglomération parisienne : près de 200 morts et 900 blessés, près de 800 immeubles détruits ou endommagés, notamment à Ivry et à Vitry.

En banlieue, les combats continuent pendant quelques jours encore. En effet, les forces allemandes veulent ralentir la progression des armées alliées qui bénéficient dorénavant des ponts de Paris pour franchir la Seine. L’action combinée des FFI et des forces militaires françaises et américaines permet de repousser, parfois avec difficulté, les Allemands vers le nord et l’est. Le 29 août, alors que les Américains défilent à leur tour sur les Champs-Élysées, la région parisienne est presque totalement libérée.

La Libération de la France

La libération de Paris, pour importante qu’elle soit, n’est pas la Libération de la France. Celle-ci est effective après plusieurs mois de combats. Le débarquement allié en Provence le 15 août 1944 est un succès au-delà des espérances. Les troupes allemandes refluent rapidement, redoutant la perspective de se retrouver coincées en France si les armées venues de Normandie et de Provence réalisaient leur jonction. Toulon, Marseille, Nice sont libérées avant la date prévue. Les libérateurs sont accueillis avec un enthousiasme particulier car les troupes françaises sont très présentes et constituées pour l’essentiel de soldats venus d’Afrique. Toulouse, Lyon, Limoges doivent leur libération à une intervention massive de la résistance locale dans laquelle combattent de nombreux étrangers, notamment des Allemands antinazis, des Italiens antifascistes ou des Espagnols antifranquistes.

Le 23 septembre, un décret du gouvernement provisoire de la République française met fin aux Forces françaises de l’Intérieur. Le 28 octobre, c’est au tour des milices patriotiques. Les anciens résistants qui le veulent sont intégrés dans l’Armée française qui continue la lutte. Les plus âgés décident d’agir pour la reconstruction du pays tandis que les plus jeunes font le choix de l’engagement dans l’armée régulière. Ils contribuent à la reconnaissance de la France comme partenaire militaire, et donc politique, dans le camp allié. Le 23 octobre, le gouvernement provisoire de la République française est définitivement reconnu comme le gouvernement de la France par tous les Alliés.

En décembre, après des combats difficiles, l’Alsace est libérée. Leclerc a tenu le serment de Koufra de mars 1941, déclarant sa volonté de poursuivre la lutte jusqu’à la libération de Strasbourg. Les ultimes territoires français libérés le sont à la fin de la guerre en Europe. En mai 1945, la capitulation allemande sans condition signée à Reims puis à Berlin permet la reddition des dernières troupes allemandes tenant encore les poches sur la côte atlantique.


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Les témoins
Bibliographie
  • Jean-Pierre Azema et François Bedarida (dir.), La France des années noires, coll. Points, Le Seuil, tome 1 « De l’occupation à la libération », 2000.
  • Roger Bourderonet Henri Rol-Tanguy, La libération de Paris. Les 100 documents, coll. Pluriel, Hachette, 1994.
  • Phillippe Buton et Jean-Marie Guillon, Les pouvoirs en France à la Libération, coll. Temps présents, Belin, 2004.
  • André Kaspi, La libération de la France juin 1944-janvier 1946, Perrin, 2004.
  • Christine Lévisse-Touzé, Paris libéré, Paris retrouvé, Gallimard, 1994.
  • Stéphane Simonet, Atlas de la libération de la France. Des débarquements aux villes libérées, Autrement, 2004.
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