Les prisonniers de guerre

A la signature de l'armistice, 1 800 000 soldats français environ sont tombés aux mains des Allemands. D’abord enfermés dans des Frontstalags en France, 1 600 000 sont transférés dans les camps de prisonniers de guerre du Grand Reich.

La majorité des prisonniers de guerre est constituée d'hommes jeunes : la moyenne d'âge est de 30 ans, la moitié est mariée et un quart est père de famille. Pour tous, la séparation du pays et des proches est douloureuse d'autant que sa durée est indéterminée.

La vie dans les Oflags et les Stalags

Les officiers sont enfermés dans les Oflags (Offizierlager, camp pour officiers) jusqu'à la fin de leur captivité. Ils sont coupés de tout contact avec l'extérieur, en dehors des lettres de leur famille et des colis qui permettent d'améliorer l'ordinaire. Conformément à la Convention de Genève, les officiers ne travaillent pas. Ils n'ont d'autres occupations que celles qu'ils se donnent eux-mêmes : l'imagination et le sens de l'organisation permettent à ces hommes de supporter des années d'enfermement et d'oisiveté forcée.

Les sous-officiers et les simples soldats enfermés dans les Stalags (Stammlager, camps centraux) sont utilisés comme main-d’œuvre. Selon la Convention de Genève, les sous-officiers peuvent se déclarer « réfractaires au travail » et en être dispensés tandis que les simples soldats sont dans l'obligation de se mettre au service de l'ennemi. Au total, plus de 90 % des sous-officiers et simples soldats sont transformés en travailleurs et éparpillés dans des Kommandos de travail, le plus souvent dans des fermes, mais également sur des chantiers, dans des ateliers, dans des boutiques, dans des usines ou dans des mines. Les conditions de travail sont variables, en général beaucoup plus dures sur les chantiers, dans les usines et les mines que dans les fermes et les boutiques.

Seule une minorité des prisonniers des Stalagsreste en permanence dans les camps centraux où ils assurent l’administration des Kommandos qui y sont rattachés, font parvenir lettres et colis aux autres prisonniers et font fonctionner les services indispensables, notamment les cuisines et l’infirmerie.

Les prisonniers de guerre qui travaillent dans les Kommandos se retrouvent en contact régulier et prolongé avec la population allemande. Ils travaillent sur les chantiers et dans les usines avec des ouvriers allemands qui sont aussi sous surveillance étroite et manifestent souvent des sentiments de méfiance voire d’opposition envers le régime nazi. Dans les fermes, dans les boutiques ou dans les ateliers, les prisonniers partagent la vie quotidienne de familles où la plupart des hommes en âge d'être mobilisés sont absents. Dans ces conditions, l'ennemi n'est plus assimilé au peuple allemand mais à ses dirigeants et à ceux qui soutiennent le régime nazi. De nombreux prisonniers de guerre français effectuent donc sans réticence les tâches qu'on leur impose et gagnent parfois la confiance de ceux qui sont chargés de les surveiller. C’est pourquoi, malgré la pénibilité de la détention et un sentiment patriotique renforcé par la durée de la captivité, les prisonniers de guerre qui rentrent en France en 1945 sont moins anti-allemands que le reste de la population française qui a subi l’occupation.

Les prisonniers de guerre vus de France

Les familles ont rapidement des nouvelles des prisonniers de guerre par l’intermédiaire de la Croix-Rouge internationale. En effet, l’Allemagne respecte la convention de Genève et n’entrave pas les échanges entre les prisonniers de guerre et leurs proches. Cependant, la correspondance s’effectue sur des cartes pré-remplies qui laissent une place limitée à l’improvisation et qui sont visées par la censure. Le courrier et les colis qui l’accompagnent souvent sont attendus avec impatience par les prisonniers. Les familles se privent pour pouvoir adresser un peu de nourriture, des vêtements chauds ou des objets du quotidien.

L’Etat français accorde une attention particulière au sort des prisonniers de guerre qui pèse dans les relations avec l’Allemagne et l’opinion des Français. Le Secours national multiplie les actions de soutien, impliquant notamment les femmes et les enfants, mobilisés pour les collectes, la réalisation d’objets et la constitution de colis.

Pourtant, les prisonniers de guerre français et leurs familles n'oublient pas les raisons pour lesquelles ils restent éloignés de leur pays. Si la propagande de l'Etat français parvient à rendre populaire le maréchal Pétain dans un premier temps, le maintien dans les camps de la plupart des prisonniers de guerre entraîne un déclin rapide du pétainisme à partir de 1942. En France, l'attention accordée au sort des prisonniers de guerre, la pression exercée en permanence sur la population française pour soutenir le moral des prisonniers de guerre ou la mise en place de la politique de la Relève destinée à libérer des prisonniers de guerre en échange de travailleurs français montrent leurs limites. Dans les camps de prisonniers de guerre, l'opposition à la politique de l’Etat français se manifeste de plus en plus nettement, notamment par la création de groupes de résistance.

Le bilan

Si 1 600 000 combattants français sont envoyés dans les camps de prisonniers de guerre en Allemagne, près de 600 000 ont la chance de pouvoir rentrer en France avant la fin du conflit, pour une minorité à la suite d’évasion, pour la plupart à la suite de mesures de rapatriements pour diverses raisons (problème de santé, charges de famille, professions utiles en France, etc.). Les autres, près d'un million, connaissent la captivité pendant cinq ans.


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Les témoins
Bibliographie
  • Yves Durand, La vie quotidienne des prisonniers de guerre dans les Oflags, les Stalags et les Kommandos 1939-1945, Hachette, 1994.
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