Les formes de résistance

La résistance peut prendre des formes différentes. A la multitude des motivations et des objectifs répond la multitude des engagements et des actions. Par facilité, les historiens ont pris l’habitude de distinguer la résistance civile et la résistance armée mais les passages individuels de l’une à l’autre sont fréquents et les organisations mènent souvent de front les deux formes de résistance.

La résistance civile

La première forme de résistance est la résistance civile, menée par la partie de la société qui veut faire connaître son opposition à l’occupant et au régime de Vichy. Aux graffitis succèdent les prises de paroles puis les papillons et les tracts fabriqués et diffusés au départ avec des moyens de fortune. Les plus ambitieux se lancent dans la réalisation de journaux non autorisés, parfois avec des moyens dérisoires. Des journaux clandestins à vocation nationale, tels L’Humanité, La Vie ouvrière ou Défense de la France, le plus souvent réduits à une simple feuille imprimée recto verso, commencent à être diffusés dans la région parisienne. Localement, une multitude de journaux, tout aussi modestes que leurs équivalents nationaux, les relaient et essaient de faire entendre une parole libre. La volonté d’augmenter les tirages et la diffusion nécessite de se procurer du matériel plus performant et de multiplier les contacts pour transporter et distribuer les documents imprimés. Les mouvements se constituent le plus souvent à partir d’un journal dont ils portent le nom (Défense de la France, Combat, Franc-Tireur, Libération, etc.). Les impressions clandestines sont autant des instruments de contre-propagande que les supports d’une réflexion permanente sur le sens à donner à l’engagement dans la Résistance. Les appels à célébrer le 14 Juillet, le 20 Septembre (victoire de Valmy) ou le 11 Novembre, de plus en plus suivis, montrent l’attachement à la Révolution et à la République victorieuses contre l’envahisseur, donc le rejet de l’Etat français soumis au vainqueur de 1940.

La résistance civile prend également la forme de la lutte sociale : les manifestations de ménagères sur les marchés comme les grèves revendicatrices sont l’occasion de dénoncer la dégradation des conditions de vie et de travail, la pénurie généralisée, la détention prolongée des prisonniers de guerre, et de désigner les responsables, à savoir l’occupant allemand et le régime de Vichy. La mise en place du Service du travail obligatoire en Allemagne est dénoncée comme la terrible illustration de la collusion entre l’Allemagne nazie et un Etat français qui n’hésite pas à offrir ses jeunes travailleurs pour soutenir l’effort de guerre de l’ennemi.

L’aide aux personnes pourchassées et persécutées est une autre forme de résistance civile. Dès le début de l’occupation, les prisonniers de guerre évadés doivent être secourus afin d’échapper à la détention dans les Stalagset Oflags. Par la suite, les soldats alliés en fuite, notamment les aviateurs dont l’appareil a été abattu au-dessus de la France, sont pris en charge par des filières qui leur font franchir les frontières dans le but de leur permettre de regagner la Grande-Bretagne et de poursuivre le combat. Les résistants arrêtés sont assistés par des structures de solidarité qui interviennent auprès des détenus des prisons et des camps d’internement en France, mais aussi auprès des familles de prisonniers ou d’internés, puis de fusillés ou de déportés. Les mouvements développent des organismes spécialisés, regroupés au sein du Comité des œuvres sociales des organisations de Résistance (COSOR, qui prolonge ses activités après la fin de la guerre). L’aide aux juifs de France victimes des persécutions antisémites se déroule dans un contexte particulièrement dramatique. La relative indifférence de l’opinion face aux mesures de marginalisation et aux premières arrestations d’hommes se transforme en désapprobation avec le début des rafles de familles entières à partir de l’été 1942. Les actes individuels de solidarité sont relayés par des filières organisées qui permettent le franchissement des frontières ou l’accueil dans un refuge protecteur, au moins temporairement. Beaucoup de juifs de France se débrouillent par eux-mêmes, comptant sur des relations ou sur la chance pour sauver leur vie ou celle de leurs enfants. Pour plusieurs dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants l’aide reste inaccessible ou insuffisante face à la traque méthodique des polices françaises et allemandes et à la haine des dénonciateurs.

La résistance armée

Dès l'arrivée des premières troupes allemandes, des actes de sabotage individuels sont constatés : des panneaux de signalisation sont déplacés ou retournés, des câbles de transmission sont sectionnés. Des gestes d'hostilité sont signalés, qui vont parfois jusqu'à des attentats contre des soldats allemands isolés. Leurs auteurs, quand ils peuvent être identifiés, sont sévèrement sanctionnés. Cette forme spontanée de résistance armée prend fin dans les mois qui suivent la défaite.

La résistance armée organisée est d’abord due à des initiatives venues de l’extérieur. Les services secrets britanniques puis les services de renseignement et d’action de la France libre mettent en place des réseaux en France occupée dont l’une des missions est le sabotage. Ces réseaux sont actifs, autant qu’ils parviennent à durer, jusqu’en 1944, s’appuyant à partir de 1942 sur les mouvements pour compenser les énormes pertes qu’ils subissent en permanence.

L'engagement de la Résistance intérieure dans la lutte armée commence à partir de l’été 1941 dans la région parisienne lorsqu’une partie de la résistance communiste se lance dans la guérilla urbaine. Les formations armées communistes finissent par fusionner au sein des Francs-tireurs et partisans, divisés en FTPF (français) et FTP-MOI (main-d’œuvre immigrée). Des équipes réduites (quelques dizaines de combattants au plus), constamment frappées par la répression et constamment renouvelées, confrontées en permanence au manque d'armes et d'explosifs, parviennent à créer un sentiment d'insécurité pour les forces allemandes qui stationnent en région parisienne et dans les principales métropoles régionales (Lyon, Toulouse, Marseille, etc.). Les étrangers et les immigrés des FTP-MOI représentent une part de plus en plus importante des forces engagées dans la guérilla urbaine pour devenir après la terrible répression qui frappe les FTPF, les seuls encore en mesure d’agir sur Paris et sa région en 1943. Plus largement, les groupes FTP, considérés comme les « soldats » du mouvement Front national, se multiplient partout en France, notamment par l’incorporation au sein de maquis de réfractaires au STO.

Parallèlement aux FTP, les mouvements se dotent également de groupes francs engagés dans la lutte armée. En zone sud, Combat, Franc-Tireur et Libération sont à l’origine d’attentats et de sabotages dès 1941-1942. Comme pour les FTP, le développement des maquis en 1943 augmente les forces disponibles mais également les besoins en formation et en équipement.

En effet, le passage à la lutte armée n'est pas facile pour des hommes et des femmes qui n'ont pas vocation à être des combattants. Si quelques-uns ont l'expérience des armes, acquise lors de la Grande Guerre, lors du service militaire ou lors de l'engagement dans les brigades internationales pendant la guerre d'Espagne, tous doivent surmonter leur appréhension pour se résoudre à commettre un acte que normalement ils réprouvent : tuer ou mettre en péril la vie d’un autre homme. C'est la nécessité de briser l'apparente impunité de l'occupant et de l’Etat français collaborateur, de répondre à la répression contre les résistants ou à la persécution contre les juifs qui détermine ces hommes et ces femmes, de toutes origines, à prendre des risques considérables que beaucoup paient de leur vie. Pour tous, l’autre difficulté réside dans le manque d’armement et de matériel, malgré les demandes transmises par l’intermédiaire de la France combattante, l’approvisionnement dépendant du bon vouloir des Britanniques et de leur aviation.

Face à un adversaire mieux équipé et mieux entraîné, les groupes armés des mouvements participent au processus d’unification de la Résistance française. En 1942, le général Delestraint devient le chef de l’Armée secrète qui rassemble les formations paramilitaires des MUR. L’arrestation du général Delestraint en juin 1943 ne casse pas l’essor de l’AS, grossie par le développement des maquis en zone sud comme en zone nord.

En 1943, les attentats et les sabotages contre l’occupant allemand et les collaborateurs français augmentent considérablement, montrant le passage de l’ensemble de la Résistance au principe de l’action immédiate. En février 1944, tous les groupes armés de la Résistance intérieure fusionnent théoriquement au sein des Forces françaises de l’Intérieur, placées sous l’autorité du général Koenig. En pratique, les FTP conservent une certaine autonomie, ce qui n’empêche ni les coopérations ni les échanges entre les uns et les autres. En 1944, les nombreux parachutages d’armes et de matériels permettent la multiplication et l'intensification des actions contre les Allemands et contre les collaborateurs, à mesure que les perspectives de la libération se font plus précises. Si la lutte armée est entamée depuis longtemps, l’incertitude règne encore sur le moment de lancer l’insurrection générale ; certains demandant même d’attendre patiemment l’arrivée des Alliés afin d’épargner des forces très inégalement préparées à un affrontement direct avec l’armée d’occupation.


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Les témoins
Bibliographie
  • Sébastien Albertelli, Julien Blanc, Laurent Douzou, La Lutte clandestine en France. Une histoire de la Résistance 1940-1944, Editions du Seuil, 448 p, 2019.
  • Lucie Aubrac, La Résistance expliquée à mes petits-enfants, Le Seuil, 2000.
  • Robert Belot (dir.), Les Résistants. L’histoire de ceux qui refusèrent, Larousse, 2003.
  • Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France libre : de l’appel du 18 juin à la Libération, coll. Folio, Gallimard, 1996.
  • Guy Krivopissko, Corinne Jaladieu, Eric Brossard, Julie Baffet, Les Résistants - 1940-1945, récits, témoignages et documents inédits du musée de la Résistance Nationale, Belin, 2015.
  • François Marcot(dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, coll. Bouquins, Robert Laffont, 2006.
  • Raphaël Meltz, Louise Moaty, Simon Roussin, Des vivants. Le réseau du musée de l’homme, 1940-42, 2024 EDS, 2021.
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