La réquisition de la main-d’œuvre

Engagée dans la guerre totale à partir de 1941, l'Allemagne nazie est confrontée à un manque de main-d’œuvre pour faire fonctionner son économie. En effet, la plupart des Allemands en âge de travailler sont mobilisés dans l'armée alors que les besoins en personnel des entreprises engagées dans la production de guerre ne cessent d'augmenter.

De la Relève au STO

Pour faire face à la demande, l'Allemagne nazie organise dans toute l'Europe occupée la réquisition de la main-d'œuvre, sous la responsabilité de Fritz Sauckel. En Europe de l'Est, le travail forcé est la règle. En Europe de l'Ouest, les autorités allemandes procèdent par étapes. En France, des bureaux d’embauche sont ouverts dès octobre 1940, mais les 150 000 travailleurs volontaires recrutés ne peuvent suffire. Sauckel fait pression sur l'État français et signe un accord selon lequel en échange de travailleurs des prisonniers de guerre seront libérés. En juin 1942, la Relève doit permettre de faire rentrer un prisonnier de guerre pour trois travailleurs volontaires partis de l'Allemagne. La Relève, pourtant vantée par la propagande française et allemande, montre rapidement ses limites, les volontaires n’étant que quelques milliers. Sauckel accentue sa pression sur l’Etat français. Le 4 septembre 1942, une loi « relative à l’utilisation et à l’orientation de la main-d’œuvre » permet de contraindre les jeunes ouvriers sans obligations familiales à partir travailler en Allemagne sous peine de sanctions. Malgré un certain succès, cette première mesure est considérée comme insuffisante. Le 16 février 1943, une nouvelle loi de l’Etat français instaure le service du travail obligatoire (ou STO) qui impose aux jeunes des classes 1940-1942 de partir travailler en Allemagne. La police et la gendarmerie françaises font la chasse aux réfractaires qui cherchent à échapper au STO. Les convois de travailleurs requis partent sous la surveillance étroite des forces de l'ordre françaises, malgré les manifestations fréquentes d'opposition des requis et de leur famille. La loi du 31 mai 1943 rend obligatoire la possession d’une carte de travail, indispensable pour obtenir des tickets de ravitaillement, pour les jeunes soumis au STO et la loi du 14 juin 1943 prévoit de sanctionner par une très lourde amende tous ceux qui apporteraient leur aide aux réfractaires, y compris les membres de leur propre famille.

La lutte contre le STO

Les organisations de résistance ne peuvent rester inactives face à l'instauration du STO. Dans un premier temps, elles appellent les requis à refuser de partir et à se cacher. Les journaux clandestins tels Libération, L’Humanité, Combat, La Vie ouvrière, comme Radio Londres dénoncent les déportations en Allemagne, terme qui désigne alors les transports de travailleurs.

Rapidement, les organisations de résistance doivent gérer une situation qui les dépasse : il faut prendre en charge des milliers de jeunes voulant entrer dans la clandestinité sans y avoir été préparés. Les maquis en accueillent une partie mais il leur faut assurer un supplément de ravitaillement et la formation paramilitaire de recrues inexpérimentées. Pour les autres, qui se débrouillent pour trouver une planque plus ou moins sûre, il faut de nouveaux papiers d'identité pour être en mesure d'affronter les contrôles de police qui se multiplient. L'instauration du STO contribue ainsi à la mise en place d'une véritable industrie de faux papiers par la résistance qui montre son efficacité en empêchant d'atteindre les objectifs de réquisition de main-d’œuvre en France.

La vie des requis en Allemagne

Certains des requis qui obtiennent une permission pour revenir en France en profitent pour disparaître et ne pas repartir. D’autres ne trouvent pas les opportunités nécessaires et regagnent l’Allemagne pour y demeurer jusqu'à la fin de la guerre. Les conditions de vie sur place sont variables. Les ouvriers vivent dans des camps surveillés mais conservent une certaine liberté de mouvement. Chaque jour, ils vont travailler dans les usines proches du camp et sont en contact avec le reste du personnel, qu'il s'agisse d'Allemands ou d'autres Européens requis. Ils sont parfois amenés à côtoyer des déportés dont ils constatent avec effarement l’affaiblissement physique.

Les derniers mois de la guerre se caractérisent par une dégradation de conditions de vie des requis du STO. Comme l’ensemble de la population allemande, jusque-là préservée par le régime nazi, ils doivent compter avec les pénuries qu’ils avaient connues en France. Ils doivent aussi subir les bombardements qui se multiplient, en particulier sur les régions industrielles où les travailleurs requis sont nombreux. Ces derniers mois sont donc marqués par l’inquiétude ou l’angoisse, d’autant que les échanges de courrier avec les familles en France sont interrompus.

Le bilan

La mise en place du STO ne permet pas d’atteindre les objectifs fixés par Sauckel. En septembre 1943, Albert Speer, ministre allemand de l’Armement, donne la priorité à l’emploi dans les entreprises travaillant en France pour l’effort de guerre allemand. En 1944, près de la moitié de la production industrielle de la France est destinée à l’Allemagne.

Au total, près de 750 000 travailleurs français sont partis en Allemagne mais, si on compte les prisonniers de guerre transformés en travailleurs et les travailleurs restés en France dans des entreprises produisant pour l’Allemagne, ce sont près de 6 millions de Français qui ont contribué directement ou indirectement à l’effort de guerre allemand.


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Les témoins
Bibliographie
  • Thomas Fontaine, Denis Peschanski , La Collaboration 1940-1945. Vichy, Paris, Berlin, Paris, Tallandier, 2014, 320 p.
  • Jean-Pierre Vittori, Eux, les STO, Ramsay, 2007.
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