La répression

Les forces de la répression

Le 10 mai 1940, avant même leur entrée sur le territoire français, les Allemands publient une ordonnance menaçant de sanctions tout contrevenant à certaines interdictions (regroupement dans les lieux publics, écoute des radios non autorisées, contact avec les prisonniers de guerre, etc.).

Afin de faire régner l’ordre, le commandement militaire allemand déploie la Feldgendarmerie et la Geheime Feldpolizei en France occupée qui livre les individus arrêtés aux tribunaux militaires allemands. Des condamnations à morts sont prononcées rapidement, notamment pour actes de sabotage. A l’été 1941, le commandement militaire met en œuvre la politique des otages. Au printemps 1942, le contrôle de la répression passe à la Sipo-SD, présente en France depuis 1940, dont l’un des services est la Geheime Statpolizei (ou Gestapo). Karl Oberg, chef supérieur des SS et de la police en France, négocie avec le gouvernement français, représenté par René Bousquet, secrétaire général à la Police. Ce dernier accepte que les polices françaises apportent leur concours aux polices allemandes. En échange, l’Etat français exerce un contrôle plus étroit sur ses polices, mais pour leur faire appliquer une politique de collaboration de plus en plus répressive. Par ailleurs, un certain nombre de Français travaillent directement pour la Gestapo.

Jusqu’en août 1944, le gouvernement de Vichy dirige la police et la gendarmerie françaises tout en acceptant de les mettre au service des Allemands. Au printemps 1941, la police, encore largement municipalisée, est étatisée ; seule la préfecture de police de Paris conserve une certaine autonomie. Ses services sont d’une redoutable efficacité, notamment les brigades spéciales des Renseignements généraux qui se spécialisent dans la traque des individus « dangereux du point de vue national » ou considérés comme des « terroristes ». En janvier 1943, la création de la Milice dote l’Etat français d’une véritable police politique qui recourt à la violence la plus extrême contre tous ceux qu’elle désigne comme ses ennemis. En janvier 1944, son chef Joseph Darnand, officier de la Waffen SS, devient secrétaire d’Etat au Maintien de l’ordre et fait de la Milice l’auxiliaire dévoué des forces de répression allemandes.

Considérant que les tribunaux ordinaires ne condamnent pas assez lourdement les résistants arrêtés, le gouvernement de Vichy crée en août 1941 les sections spéciales, tribunaux d’exception chargés de juger, même rétroactivement, les individus suspectés « d’activité communiste ou anarchiste ». En novembre 1942 et juin 1943, la compétence des sections spéciales est élargie à tous les résistants. En janvier 1944, Joseph Darnand institue des cours martiales contrôlées par la Milice qui doivent juger les résistants suspectés d’activité « terroriste » et ne prononcent que des condamnations à mort ou des renvois devant un autre tribunal. La plupart des résistants qui sont traduits devant ces cours martiales sont exécutés.

La traque des opposants et des résistants

Dès le début de l'occupation, afin d'éviter toute action contre leurs troupes, les autorités allemandes sanctionnent sévèrement les actes d'hostilité à leur égard. Les condamnations à la prison ou à la peine de mort sont prononcées par les tribunaux militaires allemands. Parallèlement, la répression s'organise contre tous ceux qui sont suspectés de pouvoir s'opposer d'une manière ou d'une autre à l'occupant.

Dans le cadre de la politique de collaboration, la police française procède à l'arrestation d'élus et de militants politiques et syndicalistes, transférés dans les prisons et les camps d'internement de la région parisienne ou d'autres régions de la zone occupée, sous administration française ou allemande. Des Val-de-Marnais sont internés dans les prisons de La Santé (Paris) ou de Fresnes (actuel Val-de-Marne), dans les prisons centrales de Melun (Seine-et-Marne) ou de Clairvaux (Aube), dans les camps d'Aincourt (actuel Val-d’Oise), de Voves (Eure-et-Loir), de Rouillé (Vienne) ou de Châteaubriant-Choisel (Loire-Atlantique).

La montée en puissance de la résistance accentue la répression. La contribution de la police française est déterminante. Sa connaissance du terrain et sa capacité à collecter des renseignements sont mises au service de l’occupant à qui sont livrées les personnes arrêtées. Plus que l’usage de la torture, devenue pratique courante dans sa forme la plus violente, les filatures méthodiques et les recoupements minutieux permettent aux policiers de reconstituer les organisations et d’identifier plus ou moins précisément leurs membres. Régulièrement, des groupes de résistants sont démantelés, les mesures de précaution de la vie clandestine n’étant pas toujours respectées avec la rigueur nécessaire. Certaines organisations ne survivent pas, ceux qui sont parvenus à échapper à l’arrestation se fondant dans une autre organisation. Le plus souvent, les places devenues vides sont prises par d’autres membres de l’organisation qui assument les risques de l’action clandestine : « Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place… ».

La traque est terriblement efficace. En novembre 1943, seuls les membres des FTP-MOI sont encore en mesure de prolonger la guérilla urbaine dans la région parisienne. A la suite de filatures menées depuis janvier 1943, ils sont à leur tour victimes d’une vague d’arrestation et d’une répression sanglante. L’Affiche rouge - vaste opération de propagande organisée par l’occupant à l’occasion du procès de 23 d’entre eux- en témoigne sur les murs de Paris et de sa banlieue en février 1944.

Les exécutions

À l'été 1941, alors que l'Allemagne s'engage dans la guerre totale, la répression s'intensifie. Les tribunaux militaires allemands et les tribunaux français, notamment les sections spéciales, condamnent plus fréquemment à mort pour actes de résistance. Parallèlement, la mise en place de la politique des otages est considérée comme une réponse de l’occupant face aux attentats qui visent dorénavant directement ses soldats à partir de l’été 1941. Les otages sont sélectionnés par les Allemands, avec la complicité des autorités françaises, parmi les internés arrêtés précédemment pour des faits qui n’ont rien à voir avec les attentats. Il s’agit de représailles, revendiquées comme telles et dénoncées par l’ensemble des résistants, même si beaucoup se demandent si le sacrifice n’est pas trop lourd.

Parmi les fusillés durant le deuxième semestre 1941 figurent de nombreux otages originaires des communes de l'actuel Val-de-Marne. Les exécutions d'otages ou de résistants condamnés à mort à la suite d'un procès se poursuivent pratiquement jusqu'à la Libération. Les corps des fusillés du Mont-Valérien sont inhumés sommairement dans le carré des fusillés du cimetière d’Ivry-sur-Seine. A la Libération, certains sont exhumés et inhumés à nouveau dans le cimetière de leur commune d’origine.

A ces victimes s’ajoutent celles des massacres perpétrés au moment de la Libération par les forces de répression allemandes et françaises prises d’une furie meurtrière comme l’attestent les fusillés du fort de Vincennes.

Les déportations vers les camps de concentration

Cependant, les exécutions suscitent la réprobation de la population, comme le révèlent les rapports des polices française et allemande. C'est pourquoi, par souci de discrétion, les autorités allemandes décident de procéder à la déportation vers les camps de concentration des résistants arrêtés. Avec le décret dit Nacht und Nebel (Nuit et brouillard) de décembre 1941, les autorités allemandes préconisent la déportation des personnes arrêtées pour actes de résistance dont la condamnation à mort n’est pas assurée. Le sort des déportés ne doit pas être connu car il s’agit de créer dans la population une « terreur dissuasive ». En mars puis en juillet 1942, un convoi d'otages juifs puis un convoi d'otages communistes et syndicalistes principalement est dirigé vers Auschwitz au départ du camp d’internement de Compiègne-Royallieu. Le second, dit convoi des 45 000 du fait du matricule attribué à la plupart des déportés, comprend plus d'une centaine d'élus et de militants communistes et syndicalistes du Val-de-Marne, qui décèdent pour la plupart dans les trois mois qui suivent leur arrivée à Auschwitz.

Le bilan

La politique des otages a entraîné l’exécution d’un millier d’hommes, pour la plupart communistes et pour beaucoup juifs. Les passages devant les tribunaux allemands ont abouti à l’exécution d’environ 3 000 condamnés à mort.

45 000 hommes et femmes ont été déportés pour faits de résistance directement depuis la France occupée vers les camps de concentration. 14 000 autres ont été internés dans les prisons ou les camps de concentration, soit directement, soit après avoir été extraits des camps de prisonniers de guerre (notamment 6 700 républicains espagnols engagés dans l’armée française). Plus de 7 000 travailleurs (prisonniers de guerre « transformés en travailleurs », requis du STO ou travailleurs volontaires) ont été arrêtés pour des « délits » commis en Allemagne et envoyés dans un camp de concentration. Au total, près de 89 000 personnes parties de France ont été détenues en Allemagne dans le cadre de la politique de répression. 60 % sont rentrés en 1945.

Il est encore difficile de recenser avec précision les Val-de-Marnais victimes de cette répression. Les morts sont connus mais beaucoup de ceux qui ont survécu sont demeurés dans l’ombre, préférant que l’hommage soit rendu d’abord à ceux qui ont disparu. Des listes ont été établies à la Libération, complétées autant que possible depuis : à Fontenay-sous-Bois, 23 hommes ont été fusillés, 79 hommes et femmes sont morts en déportation ; à Vitry-sur-Seine, 34 ont été fusillés, 46 sont morts en déportation ; à Champigny-sur-Marne, une quinzaine d’hommes ont été fusillés, une trentaine d’hommes et de femmes auraient été déportés en tant que résistants, opposants ou otages.


Documents liés


Témoignages liés

Les témoins
Bibilographie
  • Jean-Pierre Besseet Thomas Pouty, Les fusillés. Répression et exécutions pendant l’Occupation (1940-1944), Ed. de l’Atelier, 2006.
  • Gaël Eismannet Stefan Martens, Occupation et répression militaire allemandes (1939-1945). La politique de « maintien de l’ordre » en Europe occupée, Autrement, 2007.
  • Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre mémorial des déportés partis de France, Tirésias/Fondation pour la Mémoire de la Déportation, 2004.
  • Guy Krivopissko(dir.), La Vie à en mourir. Lettres de fusillés (1941-1944), Tallandier, 2003 (revu et remanié, Points-Seuil, 2006).
  • Claude Pennetier, Jean-Pierre Besse, Thomas Pouty et Delphine Leneveu (dir.), Les fusillés (1940-1944), Dictionnaire biographique des fusillés et exécutés par condamnation et comme otage ou guillotinés, Éditions de l’Atelier, 2015.
  • Jean-Luc Pinol, Convois, La déportation des juifs en France, Editions Du Détour, Paris, 2019.
Partager sur