1780-1830

La société Val-de-Marnaise de la fin du XVIIIe siècle, une société écologique ?

1780-1830

1780-1830 

La société Val-de-Marnaise de la fin du XVIIIe siècle, une société écologique ?

Sans être écologique au sens actuel du terme, la population de l’actuel Val-de-Marne est, dans l’Ancien Régime, en étroite interaction avec son milieu. Par son économie de vie, relativement peu invasive, elle contribue au maintien de son équilibre. Essentiellement rurale, constituée de 28 000 personnes, soit l’équivalent de la population actuelle de Villiers-sur-Marne, la majorité de ses habitants a un mode de vie économe par nécessité. Elle produit des déchets réutilisés en grande partie et mobilise des forces motrices ne consumant pas de ressources fossiles non renouvelables. 

Tannerie, industrie textile (dessuintage des laines, rouissage du chanvre et du lin), usines à feu, industrie papetière, fonderie de suifs rejetées en périphérie des villes et de Paris font dès le XVIIIe siècle partie du paysage val-de-marnais. Ils suscitent miasmes putrides, fumées carbonées, corrosion des sols, eutrophisation des cours d’eau. Dans le contexte de la naissance de l’hygiène et de la salubrité publique, odeurs pestilentielles et vapeurs sont perçues comme contaminant l’atmosphère, les corps des animaux et des hommes. 

À ce titre, ces ateliers sont fréquemment dénoncés par les riverains et réprimés par les polices locales. Même s’il n’est jamais question de protéger la nature pour elle-même. Pourtant, au même moment, les Maîtrises des Eaux et forêts et leurs relais locaux réglementent l’accès aux bois déclarés « inaliénables » en 1790, leur protection s’appliquant aux arbres ainsi qu’aux animaux. Ces garennes sont prisées par les seigneurs pour la chasse. Leurs arbres sont utilisés comme matière première pour la marine ou combustibles pour le développement des manufactures comme celles de Saint-Maur* ou Vincennes. De prélèvements en déboisement, le pas est vite franchi alors que les besoins de l’industrie s’accélèrent. Des savants étudient les conséquences de ce phénomène. Bernardin de Saint-Pierre développe en 1783 la théorie de la dessiccation : les déboisements assèchent l’air de l’atmosphère et altèrent la qualité de son sol. Il pose ainsi les bases de l’écologie* et achève de nous convaincre de l’ancienneté de la prise de conscience des effets de l’action humaine sur l’environnement. 

* Nous restituons les toponymes anciens des villes du Val-de-Marne, contemporains des périodes évoquées. L’actuelle Saint-Maur-des-Fossés s’appelle Saint-Maur au XVIIIe siècle.

** « Science des relations de l’organisme avec l’environnement » Ernst Haeckel, 1866.

1. Une économie de ressources, tournée vers la capitale

Transport de pierres à bâtir. Vue de l'entrée du bois de Vincennes XVIIIe siècle. Lithographie. 48,5 x 34,5 cm.
Transport de pierres à bâtir. Vue de l'entrée du bois de Vincennes XVIIIe siècle. Lithographie. 48,5 x 34,5 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 6FI B Vincennes 33.

Des sources d'énergie "Renouvelables" ?

Au XVIIIe siècle se chauffer et se nourrir impliquent de transformer en force utile des ressources présentes dans la nature. Accessibles, abondantes et dispersées sur le territoire, ces sources d’énergie sont renouvelables soit parce qu’elles se reconstituent aussi rapidement qu’elles sont exploitées, soit parce qu’elles sont fournies par des phénomènes réguliers et constants.

Bois et végétaux : tandis que le peuple utilise divers combustibles : joncs marins, genêts, bruyères, paille, bouse de vache ou tourbe séchée, le bois de chauffe est cher et réservé à une élite. Prisé par l’industrie, le secteur forestier est en crise à la fin du XVIIIe siècle.

Moulins à vent et à eau : outre le secteur de la meunerie, le moulin hydraulique actionne les pilons broyeurs de tan (écorce de chêne utilisée pour le tannage du cuir), de papier ou d’huile, les martinets métallurgiques, les soufflets des forges. Lorsque les sites hydrauliques sont saturés ou inexistants, les moulins à vent servent de force d’appoint.

Hommes et animaux : les « moteurs animés » tirent des charges terrestres comme fluviales, pompent de l’eau, actionnent des machines agricoles ou proto-industrielles.

Liste des personnes sollicitant l'autorisation de ramasser le bois mort dans la forêt de Sénart, 29 septembre 1887. Feuille manuscrite. 31 x 19 cm.
Liste des personnes sollicitant l'autorisation de ramasser le bois mort dans la forêt de Sénart, 29 septembre 1887. Feuille manuscrite. 31 x 19 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E Dépôt Villeneuve-Saint-Georges 1Q 32

Arrêtés sur l'indemnisation des volontaires au repêchage des bois flottants et débris de bateaux, 1795. Affiche. 36 x 46,5 cm.
Arrêtés sur l'indemnisation des volontaires au repêchage des bois flottants et débris de bateaux, 1795. Affiche. 36 x 46,5 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E dépôt Ablon.

Ramassage des gerbes de blé après la moisson devant le château de Vincestre (Bicêtre). Début XIXe siècle Gravure, 29,2 x 20 cm.
Ramassage des gerbes de blé après la moisson devant le château de Vincestre (Bicêtre). Début XIXe siècle Gravure, 29,2 x 20 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 6FI A Le Kremlin-Bicêtre 9.

Descente du Pont de Charenton Noël, d'après un dessin original de Gillet,1813. Gravure. 34 x 26 cm.
Descente du Pont de Charenton Noël, d'après un dessin original de Gillet,1813. Gravure. 34 x 26 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 6FIA Charenton 26.

Bail du Moulin Saint-Antoine à Charenton 1689. Feuillet manuscrit. 19 x 26 cm.
Bail du Moulin Saint-Antoine à Charenton 1689. Feuillet manuscrit. 19 x 26 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 46J 71.

Le moulin de Saint-Antoine

Le moulin de Saint-Antoine situé sur le pont de Charenton appartient à la famille des Malon de Bercy, comme ceux de la Tour et du Pavillon. Son exploitation relève d’un droit fondé en titre, c’est-à-dire attaché à la prise d’eau et à l’utilisation de la force hydraulique et non au moulin en tant que tel. Son locataire l’utilise moyennant le paiement d’une rente annuelle, s’obligeant à entretenir et à réparer ses bâtiments, vannes, dépendances et chaussées attenantes, à « faire faucher et gravoyer* devant la rivière au-dessus et au-dessous » et à ne pas « laisser les eaux se perdre » c’est-à-dire ne pas cesser d’exploiter sa force motrice. 

 * Ensabler un pré, par suite du débordement d’une rivière.

 

Plan du moulin Saint-Antoine situé sur le pont de Charenton XVIIIe siècle. Feuillet manuscrit. 49,5 x 37,7 cm.
Plan du moulin Saint-Antoine situé sur le pont de Charenton XVIIIe siècle. Feuillet manuscrit. 49,5 x 37,7 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 46J 71.

Plan-terrier des seigneuries de la Grange aux Merciers de Bercy, de Conflans, du bourg de Charenton et autres lieux, F. Benoist. Plan manuscrit aquarellé. 75 x 158 cm.
Plan-terrier des seigneuries de la Grange aux Merciers de Bercy, de Conflans, du bourg de Charenton et autres lieux, F. Benoist. Plan manuscrit aquarellé. 75 x 158 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 46J 227.

Le plan-terrier

Le plan-terrier* montre une partie des seigneuries de Conflans et de Charenton appartenant à la famille des Malon de Bercy. Sur le pont de Charenton, croisant le terme « Marne » en bas à droite plusieurs moulins apparaissent, ils font l’objet de baux précisant leurs conditions d’usage.

 *Un plan-terrier présente la description des terres et censives (territoires sur lesquels est prélevé un impôt appelé le cens) dépendant d’un seigneur. Il accompagne un registre appelé livre-terrier ou terrier contenant l’inventaire des parcelles ainsi que les lois et usages en vigueur au sein de la seigneurie.

Jouez !

Reconstiuez les pièces du puzzle pour découvrir le château de Conflans.

 

 

Vue et perspective du château de Conflent situé sur les bords de la Seyne et de la Marne à une lieue de Paris, 1710. Gravure. Archives départementales du Val-de-Marne, 6Fi A Charenton-le-Pont 16

Le chiffonnier devant une borne à déchets. XIXe siècle. Gravure de Puyplat d'après l'aquateinte de Carle Vernet. 46 x 32 cm.
Le chiffonnier devant une borne à déchets. XIXe siècle. Gravure de Puyplat d'après l'aquateinte de Carle Vernet. 46 x 32 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 6FI B 120.

Quand le déchet n'existait [preque] pas

Dans l’Ancien Régime, la ville consomme les produits de l’industrie et de la campagne, les digère, les leur redonne sous forme de déchets (boues, déjections, verre cassé, vieux chiffon, os, cendre, etc.) utilisés comme matières premières, Sabine Barles parle de « métabolisme urbain ». 

Au « coin de la borne », grand bloc de pierre auprès duquel les ordures devaient être déposées dans les rues, le chiffonnier ramasse tasseaux de verre, chiffons de laine, pelures de fruits, jouets cassés, os, ferraille, cadavres de chats et chiens et les hisse dans sa hotte avec son crochet. Ces éléments sont ensuite triés et transformés. Le chiffon mouillé, broyé donne du papier. De l’os on extrait de la gélatine qui est un substitut de viande pour les indigents, l’os calciné est réduit en noir animal destiné à filtrer le sucre de betterave. Le verre est fondu. Les fourrures des chiens et chats cousues en manchons. Les cendres qui représentent alors 80 % des déchets ménagers sont utilisées dans la savonnerie et la blanchisserie.

Le boueur, après le passage du chiffonnier, emporte les résidus restants, mélanges composites de sable, poussière, crottin, suif. Avec les vidanges (déjections humaines), ces boues sont transportées vers des voiries (l’équivalent de nos décharges) où elles sont en partie transformées en poudrette vendue ensuite comme engrais aux agriculteurs. 

Blanchisseuse XVIIIe siècle. Dessin à la plume, 20,3 x 14 cm.
Blanchisseuse XVIIIe siècle. Dessin à la plume, 20,3 x 14 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 6FI A 334.

Types et métiers et personnages Gasset XVIIIe siècle. Lithographie colorée. 30 x 27 cm.
Types et métiers et personnages Gasset XVIIIe siècle. Lithographie colorée. 30 x 27 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 6FI A 339.

Circulaire préfectorale concernant les modalités de contrôle de l'activité des chiffonniers,1826. Feuillet manuscrit. 31,5 x 20 cm.
Circulaire préfectorale concernant les modalités de contrôle de l'activité des chiffonniers,1826. Feuillet manuscrit. 31,5 x 20 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E dépôt Saint-Maurice 1I 11.

Marché pour l'enlèvement de la boue dans le village chef-lieu du hameau de la glacière à Gentilly 1828 Feuillet manuscrit. 18,7 x 28,7 cm.
Marché pour l'enlèvement de la boue dans le village chef-lieu du hameau de la glacière à Gentilly 1828 Feuillet manuscrit. 18,7 x 28,7 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E dépôt Gentilly 1I 15.

Le ramassage des boues

L’entrepreneur en charge du ramassage des boues du Grand et du Petit Gentilly, choisi et nommé par adjudication pour six années en 1827, est le Sieur Jean Leveque, blanchisseur et voiturier de son état. Conformément au cahier des charges, il s’emploie à emporter les « boues, sables, graviers » et immondices jonchant voies et rues de la ville y compris ceux « que les pluies et les orages peuvent amener sur les rues » (Art. 5) à l’exception des « gravats provenant de démolition » (Art. 4). Il doit « se procurer des voitures ou tombereaux bien conditionnés pour [les] retenir […] de manière que pendant le trajet rien ne puisse s’écouler de l’intérieur » (Art. 3). Enfin, « l’entrepreneur est chargé de se pourvoir de lieux pour faire dépôt des boues et immondices qu’il se réservera pour engrais des terres, mais à condition que ces dépôts soient formés loin des rues, routes, chemins et maisons d’habitation, quant à celles non propres pour l’engrais il lui est libre de les déposer dans les décharges communes et publiques » (Art. 10).

L'économie circulaire   

Les documents présentés ci-dessous permettent d’illustrer les échanges de matières entre ville, campagne et industrie au XIXe siècle, forme ancienne « d’économie circulaire ».

Au moment de l’essor de Paris au XIXe siècle, les besoins de ses habitants en viande, lait, sucre augmentent. Les élevages de bovins se multiplient dans ses environs. Outre les produits de boucherie, charcuterie et laiterie, ils fournissent la matière nécessaire à la fabrication du « noir animal » (charbon noir constitué d’un concentré d’os calcinés) utilisé dans l’industrie sucrière. Cette dernière connaît une expansion pendant le blocus continental, au début du XIXe siècle, alors que la France coupée de ses colonies n’en importe plus et doit développer un mode de production local. Conseillé par Chaptal, Napoléon ordonne aux préfets d’organiser la mise en culture de milliers d’hectares de betteraves sucrières et encourage la création d’au moins une fabrique par département. Les betteraves pressées fournissent un sirop brun sucrant qui est décoloré à l’aide de charbon animal, tandis que la pulpe du légume sert de complément à la nourriture du bétail. Ainsi, ville, campagne et industrie tirent un profit maximal des animaux et des betteraves. Les modes de production s’inscrivent dans une forme « d’économie circulaire » puisqu’ils intègrent la limitation du gaspillage des ressources et génèrent peu de déchets. Dans ces exemples, aucune matière ne déchoit (étymologie du terme « déchet ») toutes leurs composantes ont une valeur et un usage.

Enquête de commodo et incommodo pour l'installation d'une fabrique de noir animal à Chennevières. 1844 Feuillet manuscrit. 19,5 x 31 cm.
Enquête de commodo et incommodo pour l'installation d'une fabrique de noir animal à Chennevières. 1844 Feuillet manuscrit. 19,5 x 31 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 5M 279.

Circulaire concernant les moyens d'intensifier la production de betterave sucrière adressée au maire de Villeneuve-Saint- Georges,1811. Feuillet imprimé, 20,3 x 25,2 cm.
Circulaire concernant les moyens d'intensifier la production de betterave sucrière adressée au maire de Villeneuve-Saint- Georges,1811. Feuillet imprimé, 20,3 x 25,2 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E dépôt Villeneuve-Saint-Georges 3F 2.

2. La pluie et le beau temps : faire face aux "dérangements" météorologiques

Hauteur de la crue de 1649 à Ivry 1910. Carte postale. 14 x 9,2 cm.
Hauteur de la crue de 1649 à Ivry 1910. Carte postale. 14 x 9,2 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 2Fi 364.

Des calamités

À la veille de la Révolution Française, la majorité des habitants de l’actuel Val-de-Marne vit du travail de la terre. Orages, gelées, fortes nébulosités et pluies entraînent fréquemment le pourrissement et la destruction des moissons qui provoquent parfois des crises de subsistance, des disettes et des famines. Ainsi les gelées du 13 juillet 1788 et ses conséquences sur le territoire ont été considérées par plusieurs historiens comme catalyseur des tensions sociales qui ont éclaté dans la tempête révolutionnaire de 1789.

Pendant le Petit Âge Glaciaire* (XIV-XIXe siècles) les épisodes de grand froids sont récurrents. Aucune année ou presque n’est épargnée par le gel dans le sud-est parisien. Quelques jours de froid vif suffisent à figer les cours d’eau et à interrompre les communications et activités proto-industrielles qui en dépendent. Au dégel succède la débâcle qui, en mettant en mouvement des blocs de glace sur les flots, engendre naufrages et pertes de marchandises. Sont alors surtout redoutés les actes de brigandage et pillage des denrées pour l’approvisionnement de Paris.

De nombreuses crues inondent à l’époque la plaine alluviale entre Corbeil et Paris où Seine et Marne se rejoignent en 1711, 1740 et 1768.

 *Le Petit Âge Glaciaire (PAG) est une période caractérisée par une série d’hivers longs et d’étés frais ainsi que par des avancées successives des glaciers auxquels correspondent plusieurs minimums de températures moyennes. Ce refroidissement général qui succède à l’Optimum Climatique Médiéval (OCM) est probablement la conséquence d’une période de faible activité solaire.

Notes du curé de Mandres à propos d'un orage, 1839. Registre manuscrit. 39,5 x 30 cm.
Notes du curé de Mandres à propos d'un orage, 1839. Registre manuscrit. 39,5 x 30 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 9J Mandres Z 4.

Pétition des citoyens de la commune de Montgeron au sujet des subsistances, 1793. Feuillet manuscrit. 21,5 x 33,5 cm.
Pétition des citoyens de la commune de Montgeron au sujet des subsistances, 1793. Feuillet manuscrit. 21,5 x 33,5 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E dépôt Villeneuve-Saint-Georges 4F 3.

Circulaire concernant la publication du ban de vendange, 12 septembre 1813. Feuille imprimée. 19,8 x 25,2 cm.
Circulaire concernant la publication du ban de vendange, 12 septembre 1813. Feuille imprimée. 19,8 x 25,2 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E dépôt Villeneuve-Saint-Georges 3F 2.

 Le ban de vendange

Un ban de vendange est un acte administratif fixant chaque année le jour du début de la récolte du raisin dans un département. Les dates des bans de vendange, comme celles des floraisons ou du départ et de l’arrivée d’oiseaux migrateurs, permettent d’étudier la variation des températures. Leur relevé précède l’avènement de la météorologie, discipline fondant l’étude des phénomènes atmosphériques sur des mesures instrumentales. Ces événements périodiques, appelés données phénologiques, ont en commun de dépendre de l’évolution saisonnière du climat. Par exemple, la date de maturité du raisin est fonction des températures reçues par les vignes entre la formation des bourgeons et l’achèvement de la fructification : plus cette période est ensoleillée et chaude plus la récolte est rapide.

Ces données phénologiques anciennes sont aujourd’hui comparées aux données des appareils de mesures antérieurs à 1950 parce qu’elles présentent l’avantage de ne pas dépendre des techniques instrumentales qui ont évolué avec le temps. En revanche, elles peuvent comporter des fluctuations liées aux pratiques viticoles. Selon les goûts, les traditions, les régions, les cépages, les dates de récolte diffèrent. Les raisins de vendanges tardives, par exemple, sont cueillis un à deux mois après la date de récolte normale.

Circulaire concernant la prévention des accidents de navigation qui pourraient résulter des glaces, débâcles et inondations,1823. Feuillet manuscrit. 16,7 x 22 cm.
Circulaire concernant la prévention des accidents de navigation qui pourraient résulter des glaces, débâcles et inondations,1823. Feuillet manuscrit. 16,7 x 22 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E dépôt Ablon-sur-Seine 3O 2.

Quelles réponses apporter aux fléaux ?

Face aux fléaux ou calamités climatiques, les autorités prennent des mesures pour prévenir, contenir, réparer les conséquences des aléas depuis le Moyen Âge. L’Église donne du sens à l’événement destructeur, qu’elle attribue à la providence, et reconstruit l’unité de la communauté à travers des processions et des prières. Levées de fonds, quêtes ou souscriptions pour venir en aide aux sinistrés d’orages à Mandres* ou d’inondations à Ivry,** réparation du clocher de l’église de Créteil après sa destruction par une tempête sont autant d’actes de conjuration des épisodes climatiques destructeurs dont nos archives ont gardé la trace. Avec la mise en place d’une assurance au sein des départements de Seine et Seine-et-Oise pendant l’Empire la rhétorique providentialiste de l’Église fait place à un discours national et patriote dans lequel les citoyens sont engagés ensemble contre « un ennemi commun ». En matière d’approche du risque climatique s’ouvre l’ère de la gestion rationnelle, technique et scientifique.

 * Ivry et Mandres changent de nom au cours des XIXe et XXe siècles et deviennent Ivry-sur-Seine (1897) et Mandres-les-Roses (1958).

Circulaire invitant les habitants d'Ivry à se mobiliser pour éviter une nouvelle inondation de la basse plaine,1828. Feuillet manuscrit. 22,5 x 14.5 cm.
Circulaire invitant les habitants d'Ivry à se mobiliser pour éviter une nouvelle inondation de la basse plaine,1828. Feuillet manuscrit. 22,5 x 14.5 cm.

Archives municipales d'Ivry-sur-Seine, 1J 18bis-1.

Prospectus pour une assurance contre les ravages de la grêle, 1807. Feuillet manuscrit. 21 x 27 cm.
Prospectus pour une assurance contre les ravages de la grêle, 1807. Feuillet manuscrit. 21 x 27 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E dépôt Villeneuve-Saint-Georges 4Q 4.

Répartition de la somme accordée aux habitants d'Ivry pour les pertes éprouvées suites aux inondations de mai 1836. Feuillet manuscrit. 61 x 40 cm.
Répartition de la somme accordée aux habitants d'Ivry pour les pertes éprouvées suites aux inondations de mai 1836. Feuillet manuscrit. 61 x 40 cm.

Archives municipales d'Ivry-sur-Seine, 1J 18bis-1 31.

Réponse pour le département de la Seine-et-Oise à la circulaire sur les causes du refroidissement de l'atmosphère et les défrichements, Octobre 1821. Feuillet manuscrit. 29 x 21 cm.
Réponse pour le département de la Seine-et-Oise à la circulaire sur les causes du refroidissement de l'atmosphère et les défrichements, Octobre 1821. Feuillet manuscrit. 29 x 21 cm.

Académie des Sciences, 1H 5.

Les défrichements opérés sous la Révolution Française

En 1821, le Premier ministre lance une enquête auprès des préfets pour mesurer l’étendue et l’impact des défrichements opérés sous la Révolution Française. Les scientifiques Yvart, Huzard et Bosc présentent un rapport d’analyse des résultats en séance à l’Académie des sciences le 16 février 1824, sur la base des réponses lacunaires des préfets, 56 sur 86 attendues, et partiales, puisque d’après eux, elles se bornent à rapporter l’opinion de ceux qui les rédigent et sont dénués de mesures météorologiques. Le rapport conclut à la diminution de la rigueur des hivers à la faveur de notations concordantes dans 32 départements sur les 56 ayant répondu.

La réponse du préfet de la Seine-et-Oise montre qu’au sein du département les forêts, pour l’essentiel propriétés royales et seigneuriales, ont été préservées. Il conclut que les quelques défrichements effectués n’ont pas eu d’« influence notable » sur la température. Le département de la Seine n’a pas répondu à l’enquête.

Prenez connaissance des plaintes des riverains !

Découvrez, mises en voix, des extraits des cahiers de doléances concernant les inondations. (source : Archives nationales)

3. Conscience environnementale

La Pêche à l'ablette à la fin du XIXe siècle. Dessin à l'encre, 19,5 x 26 cm.
La Pêche à l'ablette à la fin du XIXe siècle. Dessin à l'encre, 19,5 x 26 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 6FI A 32.

Conservation de la nature et soutenabilité

Les législations d’Ancien Régime regorgent de mesures visant à la préservation des forêts giboyeuses et rivières poissonneuses du territoire de l’actuel Val-de-Marne, viviers de la Couronne et des seigneuries laïques et ecclésiastiques. Elles révèlent leur implication dans la protection de la nature perçue comme menacée par l’homme.

À l’opposé, 10 % des surfaces cultivables appartenant aux communes sont gérées par les habitants, ce sont les « communs ». Libres d’accès et de droits, ils sont dévolus aux activités non nécessairement productives comme la « vaine pâture ». Cette pratique est concurrencée par l’essor d’une agriculture plus spécialisée à la fin au XVIIIe siècle et par l’affirmation de la propriété individuelle par le Code civil dès 1804.

Appropriation, exploitation, velléité de maîtrise de la nature s’accompagnent de tentatives pour comprendre ses lois afin de s’y soumettre et jouir de ses bienfaits de façon soutenable, c’est-à-dire durable. Ainsi, les Essais d’agriculture en forme d’entretiens par un agriculteur à Vitry (1786), par exemple, décrit les interactions entre composition des sols, ensoleillement et plantations. Il préconise des modes d’exploitation durables de la terre. 

Circulaire du sous-préfet de l'arrondissement de Corbeil, avril 1816 Feuille manuscrite, 20,3 x 25 cm.
Circulaire du sous-préfet de l'arrondissement de Corbeil, avril 1816 Feuille manuscrite, 20,3 x 25 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E Dépôt Limeil-Brévannes 1O 180.

Bail de pêche 1750. Feuillet parcheminé manuscrit, 21,8 x 29 cm.
Bail de pêche 1750. Feuillet parcheminé manuscrit, 21,8 x 29 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 46J 75.

Ordonnance sur la nécessité de protéger les bois « trésor national sacré » sous la Révolution Française, 1792. Feuillet imprimé recto / verso. 42 x 27,2 cm.
Ordonnance sur la nécessité de protéger les bois « trésor national sacré » sous la Révolution Française, 1792. Feuillet imprimé recto / verso. 42 x 27,2 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E dépôt Villeneuve-Saint-Georges 2N 1.

Ordonnance sur la nécessité de protéger les bois « trésor national sacré » sous la Révolution Française,1792. Feuillet imprimé recto / verso. 42 x 27,2 cm.
Ordonnance sur la nécessité de protéger les bois « trésor national sacré » sous la Révolution Française,1792. Feuillet imprimé recto / verso. 42 x 27,2 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E dépôt Villeneuve-Saint-Georges 2N 1.

Délibération concernant la réclamation de M. Chaumet contre la révocation du droit de vaine pâture à Limeil-Brévannes, 11 avril 1816. Feuillet manuscrit. 20,3 x 25 cm.
Délibération concernant la réclamation de M. Chaumet contre la révocation du droit de vaine pâture à Limeil-Brévannes, 11 avril 1816. Feuillet manuscrit. 20,3 x 25 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 3O 181.

Le droit de vaine pâture

Le droit de vaine pâture mentionné consiste à faire paître son bétail gratuitement au sein d’espaces autorisés comme les bords des chemins, les friches, les taillis ou les champs privés après les récoltes. Les territoires sur lesquels s’exerce ce droit sont appelés les « communs ». Ils regroupent plus largement les espaces ou équipements gérés et utilisés en commun selon des systèmes locaux souvent définis par des droits d’usage non écrits. Leur existence est remise en question sous l’Empire, c’est le cas dans l’exemple présenté ici. La propriété individuelle du sol a, ainsi, longtemps été concurrencée par la gestion commune des ressources.

Le botaniste Jacques Bernardin

Le botaniste français Jacques Bernardin Henri de Saint-Pierre (1737-1814), est considéré comme un des précurseurs de la pensée écologique. Pour lui « tout est lié dans la nature ». Envoyé en tant que capitaine-ingénieur sur l’Île-de-France, actuelle Île Maurice, il constate que les sols de l’île s’appauvrissent avec la progression des défrichements : les cultures vivrières laissent, en partie, place à des cultures spécialisées participant à l’approvisionnement de la métropole. Bernardin de Saint-Pierre plaide pour une gestion raisonnée de l’agriculture et pour la conservation des forêts primaires qu’il considère comme garants de la pérennité de l’exploitation de l’île. De retour en France il publie le récit de son Voyage à l’Île-de-France, à l’Île Bourbon, au cap de Bonne-Espérance, par un officier du roi (1773) où transparaissent les principes de sa pensée relationnelle de la nature. Quelques années plus tard il la développe et la systématise dans ses Études de la nature publiées en 1784.

Études de la nature, tome troisième Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre 1784 Ouvrage. In-12.
Études de la nature, tome troisième Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre 1784 Ouvrage. In-12.

Archives départementales du Val-de-Marne, AA 4072.

Prenez connaissance des plaintes des riverains !

Découvrez, mises en voix, des extraits des cahiers de doléances concernant les zones de capitainerie. (Source : Archives nationales)

Jouez !

Reconstituez les pièces du puzzle.

Plan de la Capitainerie de la Varenne du Louvre, Huitiesme Canton. Estienne Jeanson.1750 - 1770. Plan gravé, 25 x 40 cm. Archives départementales du Val-de-Marne, 2J 236

Blanchisserie sur la rivière de Bièvre Cécile Marchand, 1830. Gravure. 19 x 25 cm.
Blanchisserie sur la rivière de Bièvre Cécile Marchand, 1830. Gravure. 19 x 25 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, 35J 276.

La Bièvre

La Bièvre huileuse, striée par les acides, étoilée de bulles savonneuses, plaquée de lueurs violettes ou bleues, horriblement odorante coule placide, lente et grasse entre deux berges de boue plantées de peupliers étiques et de saules rabougris.

Albert Callet, L’Agonie du Vieux Paris, 1911

Sur le cours de la Bièvre plusieurs activités de nuisance ont cours au XVIIIe siècle : le rouissage du chanvre, consistant à faire macérer des plantes textiles pour faciliter la séparation de l’écorce filamenteuse du chanvre avec la tige ; la tannerie et la mégisserie (de mégis : agneau) impliquant de tremper les peaux d’animaux (boeuf, vache, chevaux ou moutons, chèvres et agneaux) pendant plusieurs jours dans un bain d’eau de chaux ou de sulfure de calcium, puis de les faire gonfler avant de les immerger avec des écorces de tan ou d’alun pour les rendre imputrescibles. Ces activités entraînent le rejet d’eaux chargées de substances putrides et toxiques pour la faune et la flore aquatique dans le cours de la Bièvre.

Arrêtés de police sur la salubrité et la propreté à Boissy-Saint-Léger, 1832. Affiche. 53 x 42cm.
Arrêtés de police sur la salubrité et la propreté à Boissy-Saint-Léger, 1832. Affiche. 53 x 42cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E dépôt Boissy-Saint-Léger 2I 11.

Incommodes et insalubres : régulation des nuisances  

Dans l’Ancien Régime, les « nuisances » englobent les odeurs, fumées, incendies, bruits, vibrations, poussières ou autres incommodités. Elles sont réglementées par un large corpus d’ordonnances et d’arrêtés.

La solution apportée au problème des nuisances est l’éloignement et l’isolement. Plusieurs métiers sont contraints de s’exercer en dehors des limites des villes comme ceux touchant à l’animal tels les boyaudiers, tripiers, corroyeurs, tanneurs ou ceux manipulant des produits végétaux en putréfaction comme les amidonniers ou les travailleurs du chanvre et du lin.

Le principal motif pour légitimer la lutte contre les nuisances est celui de la santé publique. Sous l’influence des théories néo-hippocratiques, on attribue à l’environnement (air, eau, lieu : vents, sols, etc.) la capacité d’influer sur l’état de santé des individus.

Ainsi les ateliers ou fabriques générant des fumées ou des exhalaisons nauséabondes sont dénoncés par les riverains et cantonnés à certains secteurs par les polices locales en charge de la salubrité.

Après les dérégulations effectuées sous la Révolution, le décret impérial du 15 octobre 1810, relatif aux manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode, unifie la réglementation, dans un cadre favorable aux implantations industrielles, rompant alors fortement avec les bases réglementaires posées sous l’Ancien Régime et sa police des nuisances.

État des établissements classés dans la commune de Charenton Saint-Maurice, 1838. Feuillet manuscrit. 46 x 30 cm.
État des établissements classés dans la commune de Charenton Saint-Maurice, 1838. Feuillet manuscrit. 46 x 30 cm.

Archives départementales du Val-de-Marne, E dépôt Saint-Maurice 5I 3.

Découvrez vite la deuxième partie !

Avant de nous quitter, passez à la deuxième partie de l'exposition ! 

1830- 1880- Métamorphose du territoire à l'âge industriel : un environnement sous-pression

Crédits

L'équipe de l'exposition virtuelle

Direction : Rosine Lheureux

Pilotage : Rosine Lheureux et Zoï Kyritsopoulos

Conception et réalisation (d'après les textes et le graphisme du catalogue de l'expositon) : Julia Moro et Cédric Desbarbès 

L’équipe de l'exposition

Direction : Rosine Lheureux

Pilotage : Rosine Lheureux et Zoï Kyritsopoulos

Commissariat de l’exposition : Élodie Belkoff accompagnée de Mélanie Canty

Textes de l’exposition et du catalogue : Élodie Belkoff

Réalisation de la version virtuelle de l'exposition : Julia Moro et Cédric Desbarbès

Application cartographique :

Conception et réalisation scientifique : Mélanie Canty et Julia Moro.

Conception et réalisation technique : Jeannie Marchand (Service de l’Information géographie et Cartographie/ Direction de l’Aménagement et Développement Territorial) et Mathilde Bayle (sigec/dadt)

Conception et réalisation des vues à 360° : Cédric Desbarbès et Julia Moro

Réalisation des enregistrements sonores : Cédric Desbarbès

Les voix utilisées pour les enregistrements sonores ont été réalisées par les agents des Archives départementales : Kamel Amichi, Eric Bernard, Mélanie Canty,Thierry Casamayor, Cédric Desbarbès,Eric Jingeaux, Rosine Lheureux, Camille Malandain et Sylvie Mercieca. 

Exposition à 360° : Cédric Desbarbès et Julia Moro 

Suivi du partenariat à la Délégation du Développement Durable : Lucia Magnaud

Animation vidéo :

Scénario : Mélanie Canty,

Réalisation : Thierry Casamayor

Carte introductive :

Conception : Zoï Kyritsopoulos

Réalisation : Jeannie Marchand (sigec/dadt) et Catherine Bonnadier (sigec/dadt)

Prises de vue : Fabienne Marié-Maillet

Régie des oeuvres : Camille Malandain

Graphisme et impression de l'exposition

Scénographie : Agence Métaphore{s – François Payet

Conception graphique communication et signalétique : Caroline Pauchant

Conception et réalisation graphique du catalogue : Caroline Pauchant et Hartland Villa

Encadrement : Atelier des 4 vents

Impression et pose de la signalétique : Expograph – Jérôme Rozet

Impression du catalogue : Grenier

Crédits photographiques

Archives départementales du Val-de-Marne, Archives municipales d’Ivry-sur-Seine, Musée de Nogent-sur-Marne, Météo-France, l’Académie des sciences.

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