Survivre dans les camps nazis

Pour tous les déportés, le voyage vers les camps de la mort est un moment d’angoisse et de souffrance. Entassés le plus souvent dans des wagons à bestiaux, dans des conditions d’hygiène déplorables, les déportés doivent supporter un trajet de plusieurs jours vers une destination qui demeure inconnue, ce dont témoignent les billets que certains parviennent à jeter du train. Dans nombre de convois, des déportés décèdent avant l’arrivée au camp : ils sont morts d’épuisement ou ont été exécutés à la suite d’une tentative d’évasion. Pour les survivants, l’entrée dans un autre monde commence avec l’ouverture des portes des wagons.

L’arrivée au camp

Les déportés de France en tant que juifs sont presque tous dirigés vers le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau en Pologne (seuls quelques convois parviennent à Sobibor et Majdanek, en Pologne, ou à Kaunas, en Lituanie). A partir du printemps 1942, les trains stationnent à proximité d’Auschwitz-Birkenau. Après être descendus des wagons sous les cris et les coups, les déportés doivent rejoindre le camp à pied ou en camion. A partir du printemps 1944, les convois entrent directement dans le camp d’Auschwitz-Birkenau où une rampe a été aménagée en prévision de la déportation massive des juifs de Hongrie.

Dès juillet 1942, les hommes, les femmes et les enfants jugés les plus faibles ou les plus fragiles par les SS sont sélectionnés pour être envoyés directement à la chambre à gaz. Après quelques heures, la plupart des déportés d’un convoi ont été assassinés et leurs corps ont été brûlés. Les autres entrent dans le camp.

Certains déportés de France en tant que juifs sont envoyés à Bergen-Belsen. Bien que victimes des persécutions antisémites, ils échappent à l’extermination, au moins provisoirement, parce qu’ils sont les conjoints ou les enfants d’un prisonnier de guerre.

Les déportés de France en tant que résistants, opposants ou otages sont dirigés dans les divers camps de concentration qui se sont multipliés en Allemagne et dans l’Europe occupée. La plupart arrivent dans des convois de plusieurs centaines d’individus, constitués de wagons à bestiaux. Certains sont déportés dans de petits convois, notamment ceux qui sont envoyés en forteresse, dans l’attente d’être jugés par un tribunal allemand ou pour purger leur peine. D’autres arrivent isolément, comme ces requis du Service du travail obligatoire en Allemagne accusés de sabotage ou d’activité illégale et condamnés à l’internement en camp de concentration.

Les hommes et les femmes victimes de la répression sont accueillis avec la même brutalité que les déportés victimes des persécutions antisémites, mais ils ne subissent pas la sélection pour la chambre à gaz. Tous entrent dans le camp et subissent le traitement réservé aux nouveaux arrivés : ils sont dépouillés de tous leurs biens personnels, rasés intégralement, dotés de vêtements de bagnards (uniformes rayés ou habits civils barrés de signes visibles).

Tous les détenus qui pénètrent dans le camp sont immatriculés et pourvus d’une marque distinctive : triangle de couleur ou étoile de David, avec leur matricule (mais seuls les détenus d’Auschwitz ont leur numéro tatoué sur la peau). Souvent, l’entrée dans le camp est précédée d’une période de quarantaine, qui peut s’interrompre ou se prolonger sans raison apparente, et sensée destinée à éviter les épidémies qui se déclarent dans tous les camps du fait des conditions sanitaires qui y règnent.

La vie dans les camps

Les détenus sont logés dans des baraquements sans confort appelés Blocks. Ils doivent dormir dans des châlits pourvus de mauvaises paillasses et de couvertures dérisoires, à plusieurs par niveau. La promiscuité et le manque d’hygiène (l’accès aux points d’eau est difficile) favorisent la prolifération des parasites (les poux pullulent) et le développement des maladies contagieuses (dysenterie, typhus, tuberculose, etc.).

Les déportés sont rapidement mis au travail, parfois dans les heures qui suivent leur arrivée. Pour les SS, il s’agit de profiter des détenus pour faire fonctionner le camp, contribuer à l’enrichissement de la SS et participer à l’effort de guerre de l’Allemagne nazie. Les déportés sont affectés à des Kommandos à l’intérieur ou à l’extérieur du camp principal ou transférés dans des camps annexes (qui portent également le nom de Kommandos). Les conditions de travail sont très pénibles : les temps d’activité sont très longs, les temps de repos rares et les rations alimentaires distribuées ne peuvent suffire à redonner les forces nécessaires à des organismes très affaiblis.

Les détenus sont en permanence sous la menace des SS et des Kapos, ces détenus à qui les SS ont confié des tâches d’administration et de surveillance. Les coups peuvent pleuvoir à n’importe quel moment, pour n’importe quel prétexte. Les accusations de sabotage ou de tentatives d’évasion, réelles ou non, conduisent à la potence. Les juifs sont plus particulièrement visés, à Auschwitz comme dans les autres camps.

Humiliés, harassés, affamés, battus, les déportés tentent de tenir autant qu’ils le peuvent : en faire le moins possible quand le Kapo a le dos tourné ; « organiser », c’est-à-dire participer au trafic de tout ce qui peut avoir un peu de valeur dans un camp (un morceau de pain, une cigarette, un mouchoir, etc.) et l’échanger contre ce qui manque (un mouchoir, un morceau de pain, une cigarette, etc.) ; partager le peu dont on dispose avec un plus faible ; soutenir à plusieurs un camarade qui ne supporte pas l’attente dans le froid sur la place d’appel. C’est pourquoi les SS s’évertuent de briser les volontés individuelles et les solidarités collectives en montant les détenus les uns contre les autres et en déplaçant les déportés d’un Kommando ou d’un camp à l’autre. Pourtant, dans ce contexte de violence arbitraire, des organisations de résistance parviennent à se développer, tentant de profiter des quelques failles du système concentrationnaire. Sauvant quelques vies, en prolongeant d’autres, les déportés résistants demeurent impuissants à changer le sort de la masse des concentrationnaires, sinon en misant sur l’évolution favorable de la guerre et l’espoir d’une insurrection des détenus pour empêcher un massacre généralisé par les SS à l’approche des libérateurs alliés.


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Les témoins
Bibliographie
  • Jean-Luc Pinol, Convois, La déportation des juifs en France, Editions Du Détour, Paris, 2019.
  • DVD-Rom, Mémoires de la Déportation, Fondation pour la Mémoire de la Déportation, 2005.
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